Prévue pour une durée de deux ans, l'expérimentation de la dispensation de cannabis à usage médical par les pharmaciens a commencé en mars 2021. Retour d'expérience avec Olivier Delmotte, pharmacien titulaire d'officine à Mulhouse (68) et Caroline Lebert, pharmacien hospitalier au CHU de Pontchaillou, à Rennes (35).

Depuis quand et pourquoi vous êtes-vous engagés dans l’expérimentation ?

Olivier Delmotte : Je me suis inscrit sur la liste des pharmaciens volontaires dès que cela a été possible. Il me semble évident que le cannabis, inscrit à la pharmacopée pendant des années, doit faire partie de l’arsenal pharmacologique, au même titre que les alcaloïdes du pavot.

Caroline Lebert : Plusieurs médecins prescripteurs, principalement neurologues, étaient volontaires dans notre CHU. Alors dans un esprit collectif, nous nous sommes lancés dans cette démarche.

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" Cela a changé la vie de certains patients qui, désormais, ont moins mal et peuvent dormir. " 

Caroline Lebert

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Concrètement, quel est votre rôle et quel est le mode opératoire avec les patients ?

O.D. : J’accompagne deux patients qui prennent uniquement du cannabis médical sous forme d’huile à base de CBD (cannabidiol) : un adulte qui souffre de douleurs neuropathiques rebelles aux traitements et un enfant en soins palliatifs. Pour chacun d’eux, le pharmacien hospitalier m’a adressé la copie de l’ordonnance afin que je puisse commander l’huile de CBD. Ensuite, les patients viennent à l’officine avec l’original de l’ordonnance et je leur dispense le médicament.

C.L. : Nous avons une file active de 25 patients souffrant de sclérose en plaques, d’épilepsie ou de douleurs neuropathiques. La première délivrance est un vrai temps d’échange avec eux. Je reprends chaque élément de la prescription pour leur expliquer comment utiliser les médicaments et être attentif aux prises. Ensuite, lorsqu’ils viennent pour le renouvellement, je les interroge sur l’évolution du traitement, les éventuels effets indésirables…

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" Comme nous sommes dans une expérimentation, l’enregistrement à l’ordonnancier et au registre peut se faire manuellement ou informatiquement. " 

Olivier Demotte

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Quel premier bilan tirez-vous de votre expérience ?

O.D. : Pour le moment, j’ai le sentiment que trop peu de patients en bénéficient. Peut-être parce que le système mis en place est lourd et peu pratique. A fortiori lorsqu’il s’agit, comme dans le cas de mes deux patients, de CBD seul, sous forme d’huile. Les patients ont des difficultés à s’y retrouver entre les produits à base de CBD en vente libre en boutique et le médicament (cannabis médical) encadré par une expérimentation nationale. 

C.L. : Au départ, les patients se montraient inquiets sur le côté illicite du cannabis. C’est terminé. Aujourd’hui cela se passe bien. Je soulignerais juste la difficulté de manipulation des médicaments – gouttes et fleurs séchées – pour des patients plus ou moins handicapés.

 

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