Par un jugement en date du 22 janvier 2024, le tribunal correctionnel de Paris a sanctionné le pratique consistant, pour un distributeur en gros de médicaments à l’export, à se fournir en spécialités auprès de pharmacies.

A l’occasion d’inspections d’officines de pharmacies parisiennes en 2013, l’Agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France a mis en évidence des livraisons de médicaments classés sur la liste I des substances vénéneuses à un établissement pharmaceutique français, exerçant l’activité de distributeur en gros de médicaments à l’export.

L’ARS a considéré que les officines outrepassaient les missions qui leur étaient imparties, à savoir la dispensation au détail des médicaments. En outre, en distribuant des médicaments à des intermédiaires – et non directement aux patients – ces officines ont distribué en gros des médicaments et empiété sur les prérogatives des établissements pharmaceutiques, lesquels ne peuvent exercer cette activité qu’avec une autorisation de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Or, exercer l’activité réservée à un établissement pharmaceutique sans être détenteur de l’autorisation requise constitue une infraction pénale d’ouverture d’un établissement pharmaceutique sans autorisation, punie d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende (article L. 5423-3 du code de la santé publique).

Dans cette affaire, la distribution litigieuse, à hauteur de près de 60 000 boîtes et pour un montant de 2 500 000 euros environ, a été aggravée par le fait qu’elle portait sur des spécialités faisant l’objet de tensions et de ruptures d’approvisionnement (notamment Actos®, Aricept®, Lyrica®, Cymbalta®).

C’est dans ces conditions que l’ARS a saisi à la fois les juridictions disciplinaires de l’Ordre (contre le pharmacien responsable du grossiste pour l’exportation et contre les pharmaciens titulaires d’officine) et le procureur de la République.

Sur le volet ordinal, le pharmacien responsable a été sanctionné par la chambre de discipline du Conseil central de la section C (représentant les pharmaciens de la distribution en gros) d’une interdiction d’exercer la pharmacie pendant une durée de deux ans, dont six mois avec sursis. Les pharmaciens titulaires d’officine ont, pour leur part, été sanctionnés par les chambres de discipline des conseils régionaux compétents à des interdictions d’exercer la pharmacie pendant une période allant d’un à cinq ans.

Sur le volet pénal, les officines ayant été liquidées depuis les faits, de même que l’établissement pharmaceutique, ce sont uniquement le dirigeant et le pharmacien responsable de ce dernier qui ont été convoqués devant le tribunal correctionnel. Ils ont été poursuivis pour complicité d’ouverture d’établissement pharmaceutique sans autorisation, mais également de complicité d’acquisition ou de cession de substance vénéneuse sans justificatif, et de recel. Le tribunal correctionnel a retenu leur culpabilité et a sanctionné le pharmacien responsable ainsi que le dirigeant à des peines respectivement de huit mois d’emprisonnement avec sursis et 5 000 euros d’amende, et six mois d’emprisonnement avec sursis et 15 000 euros d’amende.