Connaitre le cadre et disposer des informations pour satisfaire aux obligations du dispositif anti-cadeaux

"Le pharmacien doit veiller à préserver la liberté de son jugement professionnel dans l’exercice de ses fonctions. Il ne peut aliéner son indépendance sous quelque forme que ce soit" (article R. 4235-3 du code de la santé publique (CSP)). Cette obligation déontologique est l’un des piliers sur lequel la confiance du public repose.

Le cadre légal

L’ordonnance n°2017-49 du 19 janvier 2017, ratifiée et modifiée par la loi n°2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, crée les articles L.1453-3 et suivants du CSP qui renforcent les dispositions "anti-cadeaux" afin de mieux prévenir les conflits d’intérêts dans le domaine sanitaire. Elle :

  • étend le champ des entreprises et des personnes concernées par la double interdiction d’accorder et de recevoir des avantages en espèces ou en nature,
  • spécifie les avantages exclus,
  • améliore la définition des dérogations et le régime d’autorisation par l’Ordre,
  • harmonise les dispositions pénales applicables,
  • adapte les prérogatives des agents chargés de constater les infractions.

Le décret n°2020-730 du 15 juin 2020 a introduit les articles R.1453-13 et suivants du CSP pour déterminer les modalités d’application du dispositif anti-cadeaux prévu par l’ordonnance n°2017-49 du 19 janvier 2017. Les dispositions de ce décret sont entrées en vigueur le 1er octobre 2020.

Le principe général de l’ordonnance n°2017-49 est l’interdiction pour les pharmaciens (et les étudiants destinés à entrer dans la profession) de recevoir des avantages en nature, ou en espèces, sous quelque forme que ce soit, d’une façon directe ou indirecte, procurés par des entreprises assurant des prestations de santé, produisant ou commercialisant des produits de santé (à l’exception des produits cosmétiques et de tatouage) ou assurant des prestations de santé. Est également interdit pour ces entreprises le fait d’offrir ou de promettre ces avantages.

Qui est concerné ?

L’interdiction de recevoir des avantages s’applique notamment aux professionnels de santé, aux étudiants et aux associations regroupant ces professionnels ou étudiants.

L’interdiction d'offrir ou de promettre des avantages s’applique à toute personne produisant ou commercialisant des produits faisant l’objet d’une prise en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale ou des produits mentionnés au II de l’article L.5311-1 du CSP (à l’exception des produits cosmétiques et de tatouage) et à toute personne qui assure des prestations de santé (article R. 1453-13 CSP).

Conformément à la FAQ de la DGCCRF et de la DGOS, le dispositif "encadrement des avantages" s’applique pour les sociétés d’études de marché qui réalisent des prestations pour le compte d’entreprises visées par ce dispositif. Il y a alors deux cas de figure :

  • L’entreprise agit comme mandataire pour le donneur d’ordre dont l’activité est mentionnée par la réglementation. Elle doit alors créer son propre compte sur la téléprocédure EPS et procéder aux dépôts conformément à la réglementation.
  • L’entreprise n’agit pas comme mandataire, il appartient au donneur d’ordre de créer son compte sur la téléprocédure EPS et de procéder aux dépôts conformément à la réglementation.

Quels sont les avantages concernés ?

Tous les avantages en nature ou en espèces, sous quelque forme que ce soit, proposés ou procurés d’une façon directe ou indirecte par les entreprises précitées sont en principe concernés.
A cet égard, il convient de relever que certaines libéralités sont exclues du dispositif telles que par exemple, les avantages d'une valeur négligeable (article L. 1453-6 CSP) et qu’il est possible, par dérogation à cette interdiction générale, d’offrir des avantages sous certaines conditions, pour (article L.1453-7 CSP) :

  • La rémunération, l'indemnisation et le défraiement d'activités de recherche, de valorisation de la recherche, d'évaluation scientifique, de conseil, de prestation de services ou de promotion commerciale, dès lors que la rémunération est proportionnée au service rendu et que l'indemnisation ou le défraiement n'excède pas les coûts effectivement supportés par les personnes ;
  • Les dons et libéralités, en espèces ou en nature, destinés à financer exclusivement des activités de recherche, de valorisation de la recherche ou d'évaluation scientifique ;
  • Les dons et libéralités destinés aux associations de professionnels, à l'exception des conseils nationaux professionnels et des associations dont l'objet est sans rapport avec leur activité professionnelle ;
  • L'hospitalité offerte, de manière directe ou indirecte, lors de manifestations à caractère exclusivement professionnel ou scientifique, de promotion des produits ou prestations de santé, dès lors que cette hospitalité est d'un niveau raisonnable, strictement limitée à l'objectif principal de la manifestation et qu'elle n'est pas étendue aux étudiants en formation initiale et aux associations d'étudiants ;
  • Le financement ou la participation au financement d'actions de formation professionnelle ou de développement professionnel continu. 

Ces avantages sont permis à titre dérogatoire mais, pour autant, ils doivent faire l’objet d’une convention entre l’entreprise et le professionnel concerné. En fonction du montant, la convention sera transmise à l’Ordre et soumise à déclaration ou à autorisation.

Comment s’effectue le traitement des déclarations et des demandes d’autorisation d’octroi d’avantages ? 

La transmission des conventions par les entreprises , selon des délais impartis, se fait au Conseil central concerné de l’Ordre national des pharmaciens conformément aux règles définies dans le décret du n°2020-730 du 15 juin 2020.

Concernant la déclaration

La convention qui prévoit l'offre d'avantages dont la valeur est inférieure ou égale aux montants fixés par l’arrêté du 7 août 2020 est soumise à déclaration. Cette déclaration est transmise par téléprocédure, par l’entreprise qui envisage d’octroyer l’avantage.
L’Ordre examine la déclaration ou l’ensemble des déclarations et peut, le cas échéant, émettre des recommandations. Dans ce cas, l’entreprise qui a procédé à la déclaration, a pour obligation de les transmettre aux pharmaciens concernés (ou aux étudiants destinés à le devenir).

Concernant l’autorisation

Est soumise à autorisation, la conclusion d’une convention qui stipule l’octroi d’avantages dont le montant individuel ou cumulé excède les seuils fixés par l’arrêté du 7 août 2020.
L’Ordre dispose d’un délai de deux mois pour se prononcer sur les demandes d’autorisation : elles peuvent faire l’objet d’un accord ou d’un refus. Dans ce dernier cas, une convention modifiée peut être à nouveau soumise (sous un délai de 15 jours).
Dans des cas exceptionnels, le demandeur peut déposer une demande d’autorisation en urgence, les délais d’instruction sont alors raccourcis. 

En pratique pour le demandeur

Le portail de télé-procédure Éthique des professionnels de santé (EPS), du Ministère en charge de la santé, est l’interface permettant aux industriels de déposer les conventions soumises à déclaration ou à autorisation à destination des conseils centraux de l’Ordre.
Les conventions font l’objet d’un traitement par l’Ordre national des pharmaciens, consulter les : 

Un guide d'utilisation et une note d'information sont disponibles sur la page d'accueil réservée aux demandeurs (après inscription). Pour toute question, contacter : ethique-pro@sante.gouv.fr.

A noter

En l'absence d'accord conclu entre le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens et une ou plusieurs organisations représentatives, tel que mentionné par l'article R1453-14 du CSP, le dépôt de conventions simplifiées n'est pas admis à ce jour.
Pour les dossiers concernant l'officine, il faut veiller à attribuer dans EPS les bénéficiaires à la section A pour les pharmaciens titulaires, à la section D pour les pharmaciens adjoints ou à la section E en cas d'exercice en outre-mer. 
Les demandes de conventions pour des avantages octroyés à des pharmaciens biologistes hospitaliers doivent être attribuées dans EPS à la typologie "Pharmaciens de la section G (Pharmaciens biologistes libéraux et hospitaliers)" et non "Pharmaciens de la section H (Pharmaciens des établissements de santé)".

En savoir plus

Recommandations concernant le dépôt des conventions sur EPS

  • Renseigner correctement la section d’inscription des bénéficiaires lors du dépôt: la section compétente pour examiner la convention est la section d’inscription du bénéficiaire1 (l’information est disponible sur l’annuaire de l’Ordre ;
  • Prévoir autant de dossiers déposés que de sections concernées (par exemple, si une demande concerne des pharmaciens titulaires d’officine, des adjoints de la métropole et des territoires ultra-marins, alors le laboratoire doit déposer 3 demandes différentes en sections A (titulaires), D (adjoints) et E (outre-mer) ;
  • Veiller à bien identifier les étudiants : la plupart du temps, ils sont identifiés comme pharmaciens alors qu'ils sont étudiants, or ceux-ci ne peuvent pas recevoir d’hospitalité ;
  • Déclarer les avantages octroyés aux préparateurs en pharmacie aux ARS et non à l’Ordre des pharmaciens, dans la mesure où l’Ordre des pharmaciens n’est pas compétent pour cette profession ;
  • Veiller à adresser des conventions uniquement pour des pharmaciens inscrits à l’Ordre au moment de la soumission du dossier. En effet, les pharmaciens qui ne sont pas en exercice (retraite, pause professionnelle, ...) ne relèvent pas de la compétence de l’Ordre ;
  • Vérifier, avant le dépôt, le format et l’ouverture des pièces-jointes ;
  • Veiller à la cohérence des avantages figurant dans la convention et ceux reportés dans le tableau ;
  • Veiller à cocher la case "agent public" lorsque cela est nécessaire pour les déclarations et autorisations ;
  • Veiller à transmettre l'autorisation de cumul d'activité lorsque cela est nécessaire (agent public) au moment du dépôt du dossier et non pas a posteriori ;
  • Veiller à ce que les conventions soient nominatives, datées et signées dans le cadre des déclarations et au moins nominatives dans le cadre des autorisations ;
  • Être vigilant lors de la construction des dossiers et éviter les doublons ;
  • Veiller à ne pas déposer de conventions simplifiées auprès de l'Ordre national des pharmaciens dans la mesure où aucun accord n’a été conclu avec une ou plusieurs organisations représentatives et que celles-ci ne peuvent pas être traitées dans EPS ;

1. L’Ordre est organisé en 7 sections, représentatives des métiers de la pharmacie et des domaines d’exercice : la section A représente les titulaires d’officine ; la section B représente les pharmaciens exerçant dans l’industrie pharmaceutique ; la section C représente les pharmaciens de la distribution en gros ; la section D représente les adjoints d’officine ainsi que les pharmaciens mutualistes et les pharmaciens dispensateurs d’oxygène médical ; la section E représente l’ensemble des pharmaciens exerçant en outre-mer ; la section H représente les pharmaciens exerçant au sein des pharmacies à usage intérieur en établissement de santé ; la section G représente les pharmaciens biologistes exerçant en milieu libéral ou hospitalier.

Quelles sont les sanctions prévues ? 

Le fait de recevoir ou de procurer des avantages en espèces ou en nature dépassant les montants autorisés, ou n’entrant pas dans les catégories citées ci-dessous, ou ne respectant pas les exigences légales de déclaration ou autorisation mentionnées précédemment peut faire l’objet de sanctions pénales : 

  • pour le professionnel de santé : les peines peuvent aller jusqu’à un an d’emprisonnement et 75 000 € d’amende. Des sanctions disciplinaires peuvent également être prononcées pour le professionnel de santé. 
  • pour les personnes offrant les avantages : les peines peuvent atteindre deux ans d’emprisonnement et 150 000€ d’amende.

Liste des avantages et des montants au-delà desquels les conventions doivent être autorisées, et non plus seulement déclarées 

Avantages requérant une autorisationSeuils (en euros TTC)
Professionnels de santé en exercice et agents publics 
Rémunération nette, indemnisation et défraiement d'activités de recherche, de valorisation de la recherche, d'évaluation scientifique, de conseil, de prestation de services ou promotion commerciale200 € par heure (800 € maximum par demi-journée, montant globalement inférieur à 2000 €)
Dons et libéralités destinés uniquement à financer des activités de recherche, de valorisation de la recherche, ou d'évaluation scientifique5000 €
Hospitalité offerte lors de manifestations à caractère exclusivement professionnel ou scientifique, ou lors de manifestations de promotion des produits ou prestations150 € par nuitée
50 € par repas
15 € par collation
(maximum cumulé de 2000 € transport compris)
Frais d'inscription pour ces manifestations1000 €
Financement ou participation au financement d'actions de formation professionnelle ou de développement professionnel continu (DPC)1000 €
Etudiants en santé 
Rémunération nette, indemnisation et défraiement d'activités de recherche, de valorisation de la recherche, d'évaluation scientifique, de conseil de prestation de services ou de promotion commerciale80 € par heure (320 € maximum par demi-journée, montant globalement inférieur à 800 €)
Dons et libéralités destinés uniquement à financer des activités de recherche, de valorisation de la recherche, ou d'évaluation scientifique1000 €
Dons aux associations de professionnels sociétés savantes  
Rémunération nette, indemnisation et défraiement d'activités de recherche, de valorisation de la recherche, d'évaluation scientifique, de conseil, de prestation de services ou promotion commerciale200 € par heure, dans la limite de 800 € par demi-journée et de 2000 € pour l'ensemble de la convention
Dons et libéralités destinés uniquement à financer des activités de recherche, de valorisation de la recherche, ou d'évaluation scientifique8000 € 
Dons et libéralités destinés à une autre finalité en lien avec la santé1000 €
Dons et libéralités bénéficiant à des associations déclarées d'utilité publique, y compris destinés à financer des activités de recherche, de valorisation de la recherche, ou d'évaluation scientifique10 000 €

Liste des avantages et des montants considérés comme d'une valeur négligeable

AvantageValeur maximale
Repas et collation à caractère impromptu et ayant trait à la profession du bénéficiaire30 € (deux fois par an maximum)
Livre, ouvrage ou revue (abonnement compris) relatif à l'exercice de la profession du bénéficiaire30 € (150 € maximum cumulés sur un an)
Échantillon de produits de santé à finalité sanitaire20 € (trois fois par an maximum)
Fournitures de bureau20 € par an
Autre produit ou service qui a trait à l'exercice de la profession du bénéficiaire (sauf produits dont la fourniture aux professionnels est demandée par une autorité publique)20 € par an

Rapport bisannuel EPS 2020-2022 des Conseil Centraux de l'Ordre

Conformément aux dispositions de l'article L. 1453-14 et R. 1453-19 du code de la santé publique, chaque conseil central de l'Ordre des pharmaciens doit, tous les deux ans, établir, publier et adresser au ministre chargé de la santé un rapport d'évaluation du dispositif anti-cadeaux. Ces rapports comportent les informations figurant dans l'arrêté du 2 février 2023, ainsi que tout autre élément d'analyse permettant de faciliter la mise en œuvre du dispositif et son évaluation. Les données figurant dans ces rapports sont présentées pour chacune des deux années civiles, à l'exception des premiers rapports qui couvrent trois années civiles, du 1er octobre 2020 au 31 décembre 2022. Les données figurant dans ces rapports sont extraites à partir des champs renseignés sur EPS  par les entreprises soumises au dispositif anti-cadeaux. 

En savoir plus : 

La transparence : un dispositif complémentaire à la Loi anti-cadeaux

Afin d’améliorer la transparence et l’information du public, les liens entretenus par les entreprises pharmaceutiques avec les différents acteurs du monde de la santé (article L. 1453-1 du code de la santé publique) doivent être rendus publics : existence des conventions, avantages et rémunérations.
Le public peut être informé par un site Internet unique du ministère en charge de la Santé.