Ces dernières années, le trafic de médicaments et de produits de santé s’est intensifié et constitue aujourd’hui une préoccupation majeure. En 2023 en France, la fraude globale portant préjudice à la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) est estimée à 23 millions d’euros.

Le trafic de médicaments et de produits de santé entraîne des risques médicaux pour les patients et des pénuries sur certains médicaments, dont la plus grande partie est produite à l’étranger. Dans le cadre des actions menées par le CESAN (Commandement pour l'environnement et la santé), nous nous fixons comme priorité : agir le plus en amont possible afin d’éviter les risques évoqués. En cas de fraude, le code de la santé publique (CSP) prévoit de nombreuses sanctions.

Les missions du CESAN et de l’OCLAESP

Le CESAN, créé en juin 2023, a pour mission de renforcer l’action de la gendarmerie dans les domaines de la sécurité environnementale et sanitaire en mobilisant l’ensemble de ses unités au travers d’une approche globale allant de la prévention à la répression. L’OCLAESP est un service de police judiciaire à compétence nationale. Créé en 2004, il permet de lutter contre les atteintes graves à l’environnement et à la santé publique, par exemple en agissant contre les produits dopants. Il est constitué de gendarmes et de policiers répartis entre une cellule de commandement, une division investigations et une division de la stratégie et de l’analyse. Le CESAN exerce une autorité fonctionnelle sur l’OCLAESP et sur les unités de gendarmerie.

À date, nous disposons de 4 000 gendarmes formés, répartis et coordonnés par des officiers régionaux et départementaux. En matière d’investigations, le code de procédure pénale nous autorise à utiliser des techniques spéciales d’enquête pour lutter contre la criminalité organisée : outils de géolocalisation, écoutes téléphoniques, informateurs, caméras de surveillance.

Chiffre-clé

350 dossiers de trafic de médicaments traités en 2023 par la gendarmerie

Modes opératoires et médicaments ciblés

Deux grands modes opératoires permettent d’extraire les médicaments de la chaîne légale : l’utilisation de fausses ordonnances qui, dans certains cas, peuvent être générées par l’intelligence artificielle (IA), ou le vol d’ordonnanciers. Les réseaux sont très structurés : des « collecteurs » recrutés par des donneurs d’ordres se déplacent d’officine en officine pour se faire délivrer des médicaments ou produits de santé en pharmacie.

Un autre mode d’action qui prend de l’importance : des vols chez les grossistes-répartiteurs.

Les quatre catégories de médicaments les plus concernées sont :

  • les molécules onéreuses, sur prescription initiale hospitalière, comme l’immunothérapie ;
  • les médicaments ayant des effets sur l’apparence physique, comme l’Ozempic® ;
  • les médicaments recherchés pour leurs effets thérapeutiques, principalement des antalgiques, comme le paracétamol ;
  • les psychotropes, la catégorie de médicaments la plus ciblée, avec la Prégabaline notamment.

Sylvain Noyau,

commandant du CESAN

Guillemets

"Deux grands modes opératoires permettent d’extraire les médicaments de la chaîne légale : l’utilisation de fausses ordonnances qui, dans certains cas, peuvent être générées par l’intelligence artificielle, ou le vol d’ordonnanciers."

La lutte au niveau européen

En Europe, la sortie de la chaîne légale du médicament est considérée comme une falsification, mais elle n’est pas systématiquement réprimée comme une infraction pénale dans tous les pays, certains se limitant à des sanctions administratives. Les trafiquants exploitent ces différences de réglementation entre États, en s’approvisionnant essentiellement là où la délivrance est la moins réglementée. Notons que l’échange des renseignements sur les trafics se fait, entre autres, grâce à Europol entre les 27 États membres. Cette coopération permet une meilleure anticipation et adaptation des modes d’action et des capacités de lutte contre la fraude.

Une collaboration essentielle avec l’Ordre et les pharmaciens

Nous échangeons régulièrement avec l’Ordre national des pharmaciens grâce à des signalements d’infraction ponctuelle et à des phénomènes spécifiques observés. Nous analysons les manières d’opérer, les groupes criminels et produits recherchés pour aboutir à une cartographie de la menace. Nous sensibilisons les pharmaciens sur les risques liés au trafic, tandis que l’Ordre réalise un travail de prévention auprès de ces derniers afin d’attirer leur attention sur des points de vigilance particuliers. En cas de doute concernant un potentiel trafic, le pharmacien peut contacter le commissariat ou la brigade locale. Ces derniers identifient le personnel qualifié et font intervenir des unités spécialisées si nécessaire.

Mini-bio du commandant Sylvain Noyau

Général de division et commandant du Commandement pour l'environnement et la santé (CESAN), Sylvain Noyau suit une carrière principalement engagée vers la police judiciaire. Il a commandé la section de recherches de Marseille et été sous-directeur adjoint de la police judiciaire. Placé en 2021 à la tête de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP), il commande aujourd’hui le CESAN.