Tous Pharmaciens La revue n°26 - novembre 2024
DIALOGUE
Biologistes médicaux et CPTS : une stratégie de cohésion interprofessionnelle et d’amélioration des pratiques
27/11/2024
Exercice coordonné - Biologie médicale

Interview croisée entre Céline Saintin, responsable du pôle soins primaires de l’agence régionale de santé (ARS) Occitanie, et Morgane Moulis, pharmacienne biologiste, présidente de l’URPS (Union régionale des praticiens de santé libéraux) biologistes Occitanie et du guichet CPTS (Communautés professionnelles territoriales de santé) Occitanie, qui nous racontent pourquoi le rôle du biologiste médical est incontournable au sein des CPTS pour améliorer l'accès aux soins.
Les CPTS jouent un rôle clé dans l’organisation des soins coordonnés en répondant aux besoins de chaque territoire. Les biologistes médicaux, en intégrant ces structures, apportent une expertise essentielle qui optimise le parcours de soins, facilite l’échange d’informations et renforce la collaboration entre professionnels de santé.
En s’y impliquant, ils contribuent notamment à la gestion de pathologies chroniques et au dépistage, créant ainsi une dynamique de soins mieux coordonnée et plus efficiente pour les patients.
Comment les CPTS contribuent-ils à l’organisation des soins coordonnés ?
Céline Saintin : Tout part du terrain. Les CPTS se constituent à l’initiative de professionnels de santé désireux de s’impliquer dans une démarche de soins coordonnés. Ceci dans le cadre de l’ACI (Accord conventionnel interprofessionnel.), mais aussi avec le plein soutien de l’ARS. Pour prendre un exemple concret, en Occitanie, cette collaboration a pris la forme d’une convention de partenariat, conclue par l’ARS avec dix URPS en 2019, pour créer un « guichet CPTS », structure à l’écoute des besoins des professionnels.
Morgane Moulis : Je suis convaincue que l’exercice coordonné est l’avenir des professions de santé. En synergie avec l’ARS, les CPTS sont un outil d’organisation principal, mais des projets sur des thématiques spécifiques doivent encore voir le jour : accompagner les CPTS dans la mise en place de ces projets, c’est l’objectif fixé aux équipes du guichet CPTS, notamment à l’intention des biologistes médicaux.
Quels sont les atouts d’un biologiste médical au sein d’une CPTS ?
C. S. : Les CPTS doivent répondre aux besoins de toute la population d’un territoire donné, se distinguant en cela d’autres structures de soins coordonnés. Or, si l’on considère qu’environ 70 % des décisions médicales sont fondées sur un examen de biologie médicale, il est évident que le biologiste médical est un maillon essentiel du parcours de soins des patients dans une CPTS.
M. M. : D’un point de vue opérationnel, les biologistes médicaux sont rodés au travail en équipe. Ils sont aussi des pionniers en matière de numérique en santé : ils maîtrisent parfaitement l’informatique au sein même du laboratoire, et correspondent déjà avec un nombre important d’autres professionnels. Enfin, ils appliquent des procédures de qualité aux standards élevés (Cofrac [Comité français d’accréditation]) depuis des années. Toutes ces compétences peuvent être utiles à la vie d’une CPTS.
Quels sont les bénéfices de cette activité coordonnée ?
M. M. : Ils sont nombreux : plus de fluidité dans le parcours de soins des patients, moins de redondances, des examens plus pertinents, des gains de temps, une optimisation du lien ville-hôpital… mais je citerais peut-être en premier le contact direct entre professionnels de santé, qui améliore grandement le relationnel. Concrètement, les biologistes médicaux peuvent contribuer à une meilleure prise en charge dans quatre domaines thérapeutiques clés comme le diabète, l’insuffisance rénale chronique, ou encore le dépistage des cancers et du risque infectieux (notamment IST et VIH).
C. S. : Facilité par des protocoles communs, en particulier avec les biologistes médicaux, l’échange de données a un intérêt majeur sur le plan épidémiologique : ceci a été largement démontré lors de la crise sanitaire. Par ailleurs, si le premier bénéficiaire d’une activité coordonnée est évidemment le patient, il ne faut pas négliger qu’elle est également gratifiante pour le professionnel de santé. Je pense à l’exemple récent d’une biologiste médicale qui a pris l’initiative de coordonner une nouvelle CPTS, entraînant ainsi une véritable dynamique de groupe sur le territoire.
Quelles pistes de progrès ?
M. M. : Là encore, il y a de nombreuses évolutions possibles. Je pense notamment au développement de nouveaux outils d’interopérabilité, à la gestion des soins non programmés et des urgences, à la mise en place éventuelle d’automates de biologie délocalisée qui pourraient être, à terme, une réponse à la problématique de certaines zones sous-denses.
C. S. : Les biologistes adhérents à une CPTS n’étant pas encore majoritaires, la marge de progression est encore importante. Sur le plan qualitatif, leur potentiel de compétences pourrait aussi être mieux exploité, comme pour la formation des autres professionnels de santé, la prévention et l’éducation thérapeutique.