Roxana Maracineanu, secrétaire générale de la Miprof (Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains), et Nadine Béchieau, membre du Conseil national de l’Ordre, partagent une conviction : les pharmaciens sont appelés à jouer un rôle majeur dans la lutte contre les violences au sein du couple et les violences sexistes et sexuelles. Un projet de convention est en cours de finalisation entre les deux institutions.

Au-delà de leur mission de santé, les pharmaciens jouent également un rôle social auprès des victimes de violences au sein du couple ou de la famille, révélé lors du premier confinement et pleinement reconnu par les pouvoirs publics. Cinq ans après la crise sanitaire, l’Ordre entend renforcer cet accompagnement. Roxana Maracineanu, secrétaire générale de la Miprof, et Nadine Béchieau, pharmacienne d’officine en Vendée et conseillère ordinale, dialoguent sur les moyens à déployer pour aider les pharmaciens à agir sur le terrain et venir en aide aux victimes.

Mme Maracineanu, pouvez-vous nous présenter les missions de la Miprof ?

Roxana Maracineanu : La Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof) a été créée en 2013 avec, dans ses missions, celle de diffuser une culture commune de la protection des femmes contre toutes les formes de violences par le biais de la formation, en prenant aussi en compte les enfants covictimes des violences au sein du couple. La Miprof conçoit et diffuse des outils de formation à destination des professionnel(le)s au contact de victimes. Elle pilote aussi l’Observatoire national des violences faites aux femmes, qui collecte et publie des données sur le phénomène. Pour nous, la santé est un secteur clé, car les professionnels sont en forte proximité avec les victimes et en position pour leur venir en aide.

Mme Béchieau, l’Ordre s’est fortement mobilisé depuis 2020 contre ce type de violence. Quelles initiatives ont été prises, et comment aller plus loin ?

Nadine Béchieau : Dans le contexte du premier confinement, nous avons collaboré avec le ministère de l’Intérieur sur le problème crucial des violences intrafamiliales. Un dispositif de signalement de ces violences en pharmacie, devenu pérenne, a été mis en place en avril 2020. Quelques mois plus tard, la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 a renforcé le rôle des professionnels de santé (dont les pharmaciens) dans la lutte contre les violences conjugales. Elle leur permet de déroger au respect du secret professionnel en cas de suspicion de violence conjugale, lorsque la victime majeure se trouve en danger immédiat et sous emprise. Ils peuvent ainsi signaler la situation au procureur de la République sans l’accord de la victime, à condition de l’en avoir informée. C’est une évolution majeure, mais qu’il faut accompagner en sensibilisant les pharmaciens à la conduite à tenir face aux victimes (attitudes à adopter, repérage et orientation) et aux modalités de signalement. À cet effet, avec le Cespharm et en collaboration avec la Miprof, nous avons conçu une fiche pratique et un livret pédagogique à l’intention des pharmaciens en contact avec le public. Nous invitons nos confrères à en prendre connaissance, afin d’être préparés en cas de besoin. Pour l’Ordre, les pharmaciens en contact avec le public jouent un rôle majeur face à ces violences conjugales, et nous comptons renforcer nos actions pour les y accompagner.

L’Ordre et la Miprof souhaitent intensifier leur collaboration. Sous quelles formes ?

Nadine Béchieau : L’Ordre souhaite renforcer son dispositif de soutien aux pharmaciens. Car ils peuvent être désemparés face à la difficulté de repérer des victimes, de savoir leur parler et de bien les orienter pour qu’elles soient protégées. Dans ce but, nous avons constitué un réseau de référents « Violences conjugales », maillant l’ensemble du territoire, composé de 19 conseillers ordinaux : 14 à l’échelle régionale (1 titulaire au sein de chaque Conseil régional de l’Ordre et 2 suppléants) et 5 à l’échelle nationale (représentant respectivement les titulaires d’officine, les adjoints en officine, les biologistes médicaux, les pharmaciens hospitaliers et les pharmaciens exerçant en outre-mer). L’objectif : sensibiliser et mobiliser l’ensemble des référents ordinaux pour accompagner au mieux les pharmaciens sur le terrain. Une première réunion de sensibilisation des membres de ce nouveau réseau a été organisée récemment. Une formation plus approfondie, coanimée avec la Miprof, leur sera proposée d’ici à fin 2025. Mais nous souhaitons aller encore plus loin, ensemble, avec la Miprof, en nous mobilisant sur la prévention et la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.

Roxana Maracineanu : Nous comptons en effet beaucoup sur cette nouvelle étape avec l’Ordre national des pharmaciens. Nous sommes d’ailleurs en train de travailler à un projet de convention, qui prévoit notamment l’élaboration conjointe et la mise à disposition d’outils sur les violences sexistes et sexuelles (VSS) conçus pour les pharmaciens (dont une fiche d’aide au repérage). Notre collaboration avec les pharmaciens est réellement essentielle pour progresser, face à un phénomène structurel et massif qui doit mobiliser une chaîne complète de protection des victimes. Nous avons déjà conclu des conventions avec deux professions, les infirmier(ère)s et les pédicures-podologues, et nous poursuivons également nos discussions avec les médecins et les sages-femmes, entre autres.

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