Agressions de pharmaciens : l’intervention de l’Ordre devant les juridictions pénales

Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2017-644 du 27 avril 2017, l’Ordre national des pharmaciens est légalement habilité à se constituer partie civile devant les juridictions pénales, dans les affaires pour lesquelles un pharmacien a été victime de violences ou de menaces en raison de l'appartenance à cette profession.
Ainsi, l’article L.4233-1 alinéa 3 du code de la santé publique donne compétence à l’Ordre pour exercer « tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession pharmaceutique, y compris en cas de menaces ou violences commises en raison de l’appartenance à cette profession ». Ce texte permet à l’Ordre d’être présent à l’audience, aux côtés du pharmacien victime, et de solliciter la réparation d’un préjudice propre (l’atteinte portée à la profession pharmaceutique), distinct de celui du pharmacien en tant que victime.
Dans un contexte d’augmentation des agressions commises à l’encontre des pharmaciens, l’intervention de l’Ordre dans ce type d’affaires est primordiale Elle présente la double utilité de défendre l’intérêt collectif de la profession et d’apporter son soutien aux pharmaciens qui sont victimes de ces situations.
L’intérêt à agir de l’Ordre systématiquement reconnu par les juridictions pénales
Alors que 104 affaires suivies par l’Ordre (dont 57 dans le cadre des émeutes de 2023) sont pendantes, l’Ordre a pu se constituer partie civile dans 12 affaires de menaces ou de violences commises à l’encontre de pharmaciens depuis 2021. En effet, pour que l’Ordre puisse se constituer partie civile, plusieurs conditions sont nécessaires, notamment :
- qu'une plainte soit déposée,
- que l’auteur des faits soit identifié,
- que le parquet estime qu’une infraction est caractérisée,
- que l’Ordre ait été informé de l’existence de la procédure,
- et que les faits qui se sont produits s’inscrivent dans le périmètre de l’action du CNOP prévu par les textes.
Ces procédures ne couvrent donc pas l’ensemble des cas d’agressions contre des pharmaciens ayant donné lieu à des plaintes.
La constitution de partie civile de l’Ordre a été déclarée recevable par les tribunaux correctionnels dans l’ensemble de ces 12 affaires, ce qui témoigne de la reconnaissance par le juge pénal de l’intérêt à agir de l’Ordre.
Quatre de ces affaires ont été jugées selon la procédure rapide de la comparution immédiate, c’est-à-dire presque immédiatement après l’agression. L’intervention rapide de l’Ordre a été rendue possible grâce à l’information transmise par les pharmaciens victimes, via le référent sécurité.
Quelles infractions sont-elles concernées ?
Les procédures dans lesquelles l’Ordre s’est constitué partie civile concernent en premier lieu les délits de violences ou de menace stricto sensu et, en second lieu, plus largement les délits d’atteintes aux personnes (voyeurisme, atteinte à l’intimité de la vie privée…) comme les délits d’atteintes aux biens lorsqu’elles sont accompagnées de violences (dégradation de biens, extorsion, vol suivi de violences).
Il est à noter que les atteintes exclusives aux biens, ainsi que les agressions dans le cadre privé, sans lien avec la profession pharmaceutique sont exclues du champ.
Des violences principalement commises dans un contexte de refus de délivrance
La totalité des procédures dans lesquelles l’Ordre s’est constitué partie civile concerne des pharmaciens d’officine, titulaires ou adjoints. Dans la grande majorité des cas, les faits de violence ont été commis à la suite d’un refus de délivrance de médicament (absence de prescription, prescription déjà exécutée, fausses ordonnances...). En effet, dans le cadre de l’article R. 4235-61 du CSP, le pharmacien est habilité à refuser la dispensation d’un médicament lorsque l’intérêt de la santé du patient lui paraît l’exiger.
Quelles sont les peines encourues ?
En fonction de la durée d’incapacité totale de travail (ITT) subie par la victime, les violences exercées à l’encontre d’un pharmacien font encourir une peine d’emprisonnement de 3 à 5 ans, la qualité de professionnel de santé étant une circonstance aggravante de l’infraction. Les menaces font quant à elles encourir une peine d’emprisonnement de 3 ans. Enfin, pour les dégradations de biens, la peine prévue est un emprisonnement de 2 ans, tandis qu’elle peut aller jusqu’à 10 ans pour une extorsion accompagnée de violences.
Ces infractions sont également punies de peines d’amendes qui peuvent être prononcées en fonction de la situation économique du prévenu, lesquelles peuvent aussi se conjuguer à des peines complémentaires, telles que l’obligation de soin et l’interdiction de reparaître sur les lieux de l’infraction (à savoir l’officine).
Quelles sont les peines prononcées ?
Dans ces affaires, les prévenus ayant été reconnus coupables d’infractions à l’encontre de pharmaciens ont été condamnés à des peines allant de 4 mois jusqu’à 3 ans d’emprisonnement pour les faits les plus graves.
Dans la grande majorité des cas, ces peines d’emprisonnement ont été assorties en partie ou en totalité du sursis.
En outre, il importe de noter qu’aucune peine d’amende n’a été prononcée dans ces affaires, les juridictions privilégiant généralement l’indemnisation des victimes aux sanctions pécuniaires.
L’Ordre à vos côtés
Les pharmaciens ont la possibilité de déclarer une agression auprès de l’Ordre national des pharmaciens (connexion nécessaire au compte personnel). Le réseau des référents sécurité ordinaux est aussi à votre disposition en cas de question ou pour vous orienter dans vos démarches (connexion nécessaire au compte personnel)).
Retrouvez aussi tous les conseils et outils d’accompagnement de l’Ordre sur la page Agressions, vols, situations difficiles (livret Réflexes suite à une agression, conseils de sécurité, affiche sur les peines encourus en cas d’agression …).
En parallèle, l’Ordre reste mobilisé aux côtés des pouvoirs publics pour déployer le plan ministériel et améliorer la sécurité de ses confrères.