Cahier thématique n°20 - Lutte contre l’antibiorésistance, tous engagés
ÉDITO
Lutte contre l’antibiorésistance : les pharmaciens en première ligne
13/07/2022

Cent vingt-cinq mille infections chaque année dues à des bactéries résistantes entraînent 5 500 décès, et combien dans les années à venir ? Parce que nous ne pouvons accepter la fatalité, nous avons un rôle essentiel à jouer dans la maîtrise de ce problème majeur de santé publique.
Les pharmaciens – présents à chaque étape de la chaîne pharmaceutique –, industriels, distributeurs, officinaux, pharmaciens hospitaliers, biologistes médicaux, peuvent grandement contribuer à endiguer ce phénomène, directement lié à la surconsommation d’antibiotiques.
Parmi les évolutions souhaitables, le pharmacien devrait pouvoir adapter les prescriptions. C’est d’ailleurs l’une des propositions de notre consultation Horizon Pharma organisée dans la perspective de l’élection présidentielle : « Permettre l’adaptation par les pharmaciens des prescriptions et des posologies en fonction des caractéristiques des médicaments, en particulier pour les antibiotiques. » Il occuperait ainsi un rôle central dans le bon usage de l’antibiotique, au bon moment et sur une bonne durée. Il faut redonner toute sa place à la compétence des biologistes médicaux dans la réalisation et l’interprétation d’antibiogrammes, cela confère sa légitimité à l’ajustement rapide d’une prescription.
À l’hôpital, où exercent les pharmaciens, ceux-ci sont aussi des acteurs essentiels de la maîtrise du risque infectieux. Ils sont au cœur de la surveillance des consommations d’antibiotiques et veillent à leur bon usage par leur pratique de la pharmacie clinique.
Une meilleure dispensation des médicaments à l’officine, c’est l’une des clés, en sensibilisant le patient, en lui fournissant toutes les informations nécessaires, et nous savons le faire puisque le conseil est le cœur de notre métier.
Un patient d’autant plus sensible qu’il connaît les enjeux de réduction du gaspillage (réduction des emballages) et de la pollution (rejets de médicaments dans l’eau, qui contaminent les nappes phréatiques). Cela fait aussi partie de nos propositions : « Favoriser une juste consommation et gestion des produits de santé pour limiter le gaspillage et la pollution. »
Pour autant, il convient d’apporter à cette vraie question qu’est la lutte contre l’antibiorésistance des réponses adaptées : la dispensation à l’unité en est-elle une ? Il faut désormais l’intégrer, mais cela ne peut pas être la seule, de nombreux points d’interrogation demeurent sur sa mise en œuvre (blisters, étiquettes…) et d’autres dispositions complémentaires peuvent être envisagées.
En revanche, une réponse dont nous sommes sûrs, c’est le déploiement des tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) angine. Dispositif à développer, car, dans 8 cas sur 10, l’angine est virale et le traitement antibiotique inutile. Le pharmacien d’officine remplit alors pleinement son rôle de conseil pour orienter le patient vers un traitement adapté, et gérer au mieux les symptômes.
C’est aussi un réel enjeu d’approvisionnement pour les pharmaciens de la distribution qui agissent afin d’éviter les ruptures de médicaments et un enjeu de recherche et développement pour les pharmaciens de l’industrie avec la mise au point de nouveaux antibiotiques.
L’antibiorésistance n’est pas une situation nouvelle, les premières bactéries multirésistantes sont apparues dans les années 70, les hautement résistantes en 2000. Nos comportements depuis le début de la pandémie – hygiène des mains, vaccination, distanciation, aération des locaux – devront se poursuivre, mais une lutte efficace contre l’antibiorésistance ne pourra porter ses fruits qu’avec un engagement collectif renforcé.
Les pharmaciens se doivent d’y prendre toute leur place. Nous sommes toujours allés de l’avant et c’est un défi de plus à relever.
Carine WOLF-THAL
Présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens
@CarineWolfThal