Dans le cadre du maintien à domicile, le déplacement du pharmacien, que ce soit pour la dispensation des médicaments ou pour la réalisation d’examens de biologie médicale, représente un apport indéniable. Il peut également contribuer à identifier des situations 
à risque ou des difficultés particulières.

Assurer une dispensation à domicile de qualité

Lorsque le patient est dans l’impossibilité de se déplacer, notamment en raison de son état de santé, de son âge ou de situations géographiques particulières, la dispensation à domicile est prévue par le code de la santé publique (53) (CSP). Elle peut être effectuée par un pharmacien, un préparateur ou un étudiant en pharmacie inscrit a minima en troisième année d’étude. Il ne s’agit pas seulement de garantir le transport, dans de parfaites conditions de conservation, des médicaments ou produits de santé dont a besoin le patient, mais d’un acte pharmaceutique à part entière. Le pharmacien veille personnellement à ce que les instructions nécessaires à une bonne observance et à la compréhension de la prescription par le patient soient données préalablement à la personne qui assure la dispensation à domicile (54)

(53) Articles R. 5125-50 à R. 5125-52 du CSP.
(54) Décret n° 2021-685 du 28 mai 2021 relatif au pharmacien correspondant.

Pour aller plus loin : consulter les recommandations de bonnes pratiques relatives à la dispensation à domicile émises par la SFPC (juin 2021).

Dispensation à domicile de l’oxygène à usage médical

En France, l’oxygène ayant le statut de médicament, le pharmacien chargé de sa dispensation à domicile (pharmacien BPDO) ou dans les EHPAD sans PUI suit une démarche qualité similaire à celle mise en œuvre pour tout produit sur prescription (55). La dispensation comprend notamment l’analyse pharmaceutique de la prescription, la mise en place de la dispensation, le conseil au patient et la traçabilité.

Plus de 600 pharmaciens BPDO sont inscrits aux sections D ou E (représentant les pharmaciens des départements et collectivités d’outre-mer) du tableau de l’Ordre (56). Il s’agit généralement d’une activité à temps partiel, souvent complémentaire d’un exercice officinal. La couverture du territoire est équilibrée, par rapport à des besoins qui seront probablement croissants dans les années à venir.

En pratique, le pharmacien BPDO contrôle la livraison, s’assure de la compatibilité avec les autres traitements, de la qualité technique de la source d’oxygène (fixe : bouteilles, ou mobile : appareils concentrateurs, accessoires comme les tubulures, les lunettes…), du débit gazeux et il informe le patient des précautions d’emploi. Une visite de contrôle est systématiquement programmée, environ un mois plus tard.

(55) Nouvelles BPDO : mise en application. Le journal de l’Ordre national des pharmaciens, septembre 2016 ; 61 : 12-3.
(56) Fiche métier : pharmacien chargé de la dispensation à domicile des gaz à usage médical. Février 2022. 

Sécuriser le quotidien de la personne âgée

Le pharmacien peut fournir et installer le matériel médical nécessaire au maintien à domicile (lit médicalisé, fauteuil, déambulateur…) et délivrer des conseils à la personne âgée ou à ses aidants pour l’utiliser en toute sécurité. À cette occasion, il peut aussi repérer d’autres besoins d’aide à la mobilité ou à la vie quotidienne, qui requièrent alors une coopération entre professionnels de santé (médecin, kinésithérapeute, infirmier, ergothérapeute). Il est important de promouvoir auprès des personnes âgées et de leurs proches, le portail national d’information www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr conçu par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Cette plateforme de référence met à disposition des informations sur les solutions et aides possibles pour faire face aux situations de perte d’autonomie. Une rubrique dédiée à l’aménagement du domicile est notamment proposée (cf. page Préserver son autonomie : s’informer et s’équiper > Aménager son logement et s’équiper) (57).

(57) Aménager son logement. CNSA, juillet 2022.

Une biologie médicale au plus près du patient

Lorsque le prélèvement d’un examen de biologie médicale ne peut être réalisé dans le laboratoire de biologie médicale (58) (LBM), il peut l’être dans un établissement de santé, au domicile du patient ou dans des lieux (59) (cabinet infirmier ou médical, maison de santé…) en permettant la réalisation, par un professionnel de santé autorisé conformément aux procédures déterminées avec le biologiste responsable du laboratoire mentionné à l’article L. 6211-11.

À l’avenir, la biologie médicale s’enrichira de nouvelles techniques d’analyse, réalisables en situation délocalisée avec des résultats pouvant être télétransmis. Ceci devrait permettre au patient vivant à domicile d’être intégré dans un parcours de soins à la fois plus rapide et plus sûr. C’est l’objet de l’expérimentation Di@pason menée dans le cadre de l’article 51 de la LFSS pour 2018, où des mesures d’INR (60) sont effectuées par un infirmier sur une goutte de sang capillaire prélevée au doigt des patients sous AVK, à l’aide d’un dispositif portable. Ce dispositif est connecté en permanence au laboratoire de biologie médicale. Le résultat est télétransmis immédiatement au biologiste médical, validé par ce dernier, puis communiqué au médecin traitant. En cas de risque hémorragique ou thrombotique avéré, il est ainsi possible de modifier bien plus rapidement le traitement.

(58) Article L. 6211-13 du CSP.
(59) Arrêté du 13 août 2014 fixant les catégories de professionnels de santé autorisés à réaliser des prélèvements d’échantillons biologiques aux fins d’un examen de biologie médicale et la phase analytique de l’examen de biologie médicale en dehors d’un laboratoire de biologie médicale ainsi que les lieux de réalisation de ces phases.

(60) L’International Normalized Ratio (INR) est la mesure normalisée internationale calculée pour la coagulation sanguine. Cet examen est prescrit à toute personne suivant un traitement anticoagulant par antivitamine K.

L’apport des technologies de l’information et de la communication (TIC)

Les TIC ont permis de développer divers dispositifs de télésanté (téléassistance, télémonitoring, télésoin…), pouvant contribuer au maintien à domicile des personnes âgées. Avant de les mettre en œuvre, il faut toutefois vérifier qu’elles s’inscrivent dans un strict cadre réglementaire et éthique. Il faut aussi s’assurer de leur pertinence et de leurs limites, notamment en ce qui concerne le télésoin (cf. Tous Pharmaciens La revue n° 18 - Vos questions, nos réponses (61)). À titre d’exemple, un pharmacien d’officine pourra accompagner à distance un patient pour lequel il aura réalisé un bilan partagé de médication sous la forme d’un télésoin, mais les étapes initiales du bilan ne peuvent être faites qu’en présentiel, ainsi que le recommande la HAS (62).

(61) Télésoin par les pharmaciens : de quoi parle-t-on ? Tous Pharmaciens n° 18, avril 2022 : 30-1.
(62) HAS. Qualité et sécurité du télésoin. Bonnes pratiques pour la mise en œuvre. Saint-Denis, février 2021.

L’hospitalisation à domicile

Le maintien à domicile peut également entrer dans le cadre d’une hospitalisation à domicile (HAD), quand les soins sont plus complexes ou nécessitent des actes plus fréquents. Ces conditions de HAD ont été récemment définies par décret et entreront en vigueur le 1er juin 2023. Elles impliquent généralement un double circuit de dispensation des médicaments : pharmacie à usage intérieur (PUI) d’un établissement de santé et officine de ville.

* Décret n° 2021-1954 du 31 décembre 2021 relatif aux conditions d’implantation de l’activité d'hospitalisation à domicile.

Lutter contre l’isolement pour changer la place des personnes âgées dans la société

Rompre l’isolement social des seniors favorise une meilleure santé physique et mentale : les pharmaciens contribuent à ce cercle vertueux au travers des différents actes professionnels qu’ils réalisent à domicile. 
En mai 2021, les pouvoirs publics ont élaboré une feuille de route ministérielle « Lutter contre l’isolement des aînés » autour de quatre grandes ambitions :

  • encourager la citoyenneté et sensibiliser le grand public, notamment les jeunes, pour lutter contre l’âgisme ;
  • mieux prévenir et rompre l’isolement ;
  • renforcer la politique territoriale pour lutter contre l’isolement au plus près des besoins 
    des personnes ;
  • faciliter la diffusion des bonnes pratiques de lutte contre l’isolement.
    D’ores et déjà, plusieurs ressources sont mises à disposition des professionnels et des aidants :
  • un dossier « Isolement social des aînés : des repères pour agir »*. Il présente, entre autres, les signes d’alerte, des conseils pour agir au quotidien et des solutions simples pour aider une personne à sortir de son isolement ;
  • un répertoire en ligne recensant les différentes structures vers lesquelles les personnes isolées peuvent être orientées**, constitué par la CNSA.

Le ministère des Solidarités et l’ONP ont engagé des travaux pour élaborer conjointement un document pratique destiné à aider les pharmaciens à mieux repérer et orienter les personnes âgées isolées.

* Ministère en charge de l’Autonomie. Isolement social des aînés : des repères pour agir. Octobre 2021.
** Ministère des Solidarités et de la Santé. Isolement : quelles ressources mobilisables ? Mars 2021.

 

Aller au domicile du patient est essentiel pour savoir ce qu’il s’y passe réellement.

Jean-François Guézo,
pharmacien BPDO* dans le Morbihan, conseiller ordinal de la section D (représentant les pharmaciens adjoints d’officine et autres exercices).

pharmacien

Le suivi des malades sous oxygénothérapie est réalisé dans un contexte différent de l’environnement pharmaceutique habituel. Il requiert donc un sens de l’adaptation et une éthique particulière, mais contribue à avoir le ressenti d’un professionnel sur l’état de santé du malade. C’est pourquoi, après ma visite, j’adresse systématiquement un compte rendu au prescripteur (en grande majorité pneumologue
ou cardiologue), via la messagerie sécurisée. Le suivi de l’oxygénothérapie d’une personne âgée permet non seulement de veiller à l’efficacité et à l’observance du traitement, mais aussi de répondre à ses interrogations et, d’un point de vue plus général, de contribuer au maintien du lien social.

* Bonnes pratiques de dispensation à domicile de l’oxygène à usage médical.

À l’instar des officinaux et en lien avec eux, les biologistes médicaux sont aussi des intervenants de premier recours pour les personnes âgées.

Henri-Charles Hugedé,
biologiste médical et conseiller ordinal de la section G (représentant les pharmaciens biologistes médicaux)

pharmacien

Pour répondre aux besoins d’une population âgée de plus en plus nombreuse, la biologie médicale s’engage dans de nouvelles voies. 
Le service médical rendu par notre métier réside dans sa partie analytique, certes centrale et pour laquelle nous engageons rigueur et responsabilité, mais pas seulement. 
Le postanalytique est un moment où il faut passer du temps avec les seniors, qui ont du temps pour s’informer sur leur santé, qui sont attentifs à l’interprétation que nous leur donnons de leurs résultats et apprécient le partage que nous en faisons avec les autres professionnels de santé. C’est essentiel qu’ils perçoivent qu’il y a une « équipe » qui travaille pour eux et qu’ils peuvent avoir confiance en elle !

En ce qui concerne le suivi des personnes à domicile, assurer directement les prélèvements permet souvent de pallier leur isolement et leurs difficultés d’accès aux soins. Nous le constatons particulièrement pendant les périodes estivales ou de fin d’année. Notre attention peut aussi être attirée par de petits changements chez les personnes que nous voyons régulièrement, comme pour la surveillance des INR. Cela peut nous amener à alerter les équipes médicales sur des situations d’urgence.

Toujours au travers de nos échanges interprofessionnels, nous donnons notre avis sur l’intérêt des investigations à mener et des possibilités de traitement qui en découlent. 
Chez la personne âgée, il y a un équilibre à trouver entre le fait de ne pas sous-diagnostiquer, tout en se posant toujours la question de savoir ce que peuvent apporter de nouvelles analyses, en matière de qualité de vie pour le patient.

Il faut également savoir accepter ce que souhaite intimement le patient.

Le virage domiciliaire ne peut se concevoir que dans le cadre d’une collaboration interprofessionnelle où le pharmacien tient un rôle central.

Felicia Bibas-Ferrera,
pharmacien titulaire d’officine dans les Bouches-du-Rhône (13) et vice-présidente officine de la SFPC.

pharmacien

Le maintien de l’autonomie des seniors implique de nombreux intervenants : cette diversité est à la hauteur des enjeux ! Dans cette interprofessionnalité collaborative, à chacun son domaine spécifique de compétences : la contribution du pharmacien à la sécurisation, la pertinence et l’efficience du parcours de soins s’impose du fait de son expertise particulière des produits de santé. Dans des territoires de plus en plus nombreux se développent actuellement des actions coordonnées autour du grand âge et je constate qu’il y a beaucoup de convergences : repérage anticipé de la fragilité, lutte contre les chutes et la dénutrition, maintien d’une couverture vaccinale élevée, prévention de la iatrogénie médicamenteuse, biologie de dépistage, optimisation du lien ville hôpital… Toutes font appel à des aptitudes que possède le pharmacien : il doit donc prendre une place clé dans les parcours coordonnés.