Tous Pharmaciens La revue n°26 - novembre 2024
NOS PERSPECTIVES
À la découverte des exercices moins connus de la profession
27/11/2024
Exercice professionnel

Pharmaciens d’officine, hospitaliers, de l’industrie, de la distribution, ou encore spécialistes en biologie médicale… au cœur du parcours de soins, les pharmaciens occupent des fonctions complémentaires, au service des patients et toutes essentielles à la santé publique. Pourtant, la diversité de leurs métiers – qu’il s’agisse, de pratique, de lieu ou de domaine d’exercice, ou encore de mission – reste souvent méconnue, parfois même des pharmaciens et des étudiants en pharmacie.
Le diplôme de docteur en pharmacie ouvre les portes à de nombreux métiers. Mais les connaissons-nous vraiment tous ? Sommes-nous conscients qu’avec cette formation, il est possible de mener plusieurs vies professionnelles, tout en poursuivant un objectif commun : contribuer à la santé publique, chacun à sa manière. Cette richesse de parcours constitue d’ailleurs un atout majeur à valoriser pour renforcer l’attractivité de la filière.
Des conditions d’accès variées
La pratique de la pharmacie dans des secteurs ou domaines d’activité moins connus ou plus inhabituels nécessite parfois une formation complémentaire.
Cela peut passer par un diplôme universitaire : un DU de pharmacie clinique, de stérilisation, d’oncologie, ou encore un DU en pharmacie aide humanitaire, de pharmacovigilance…
D’autres, en revanche, suivent la voie du master. Pour accéder au statut de chercheur par exemple, il faut passer un master 2, indispensable avant la thèse d’université. Enfin, l’accès à d’autres exercices particuliers nécessite l’obtention d’un concours : c’est notamment le cas des pharmaciens inspecteurs de santé publique ou celui des sapeurs-pompiers professionnels.
Les pharmaciens sont aussi très souvent mobilisés pour des missions de protection des populations. Ils peuvent ainsi rejoindre la réserve sanitaire, la réserve opérationnelle, la réserve citoyenne, ou encore servir comme sapeurs-pompiers.
Champ des possibles de la filière pharmaceutique
Les métiers officinaux
Parmi les métiers exercés par les pharmaciens d’officine, les titulaires, les adjoints ou encore les pharmaciens d’officine intérimaires sont les plus connus. On retrouve aussi des pharmaciens au sein d’équipes mobiles de soins,
qui se déplacent pour fournir des soins aux patients à domicile ou dans des zones sous-desservies, ou encore ceux chargés de la dispensation des gaz à usage médical, un métier qui nécessite d’ailleurs une formation particulière, impliquant la gestion et la distribution des gaz médicaux utilisés pour des soins spécifiques, notamment en milieu hospitalier.
Témoignage
Isabelle Geiler-Courtois,
pharmacienne adjointe, spécialisée dans l’accompagnement des mères allaitantes

« Après avoir suivi, il y a quelques années, le DU de lactation humaine et d’allaitement maternel qui s’adresse aux professionnels de santé de la maternité, j’ai développé une méthode pour accompagner, en pharmacie, les mères qui allaitent. En aidant les mères à concrétiser leur projet d’allaitement, il s’agissait de remplir une action de santé publique et de répondre aux besoins des patientes de la pharmacie. Ma démarche répondait également à une véritable attente, car j’ai eu énormément de demandes de formation de la part de collègues. J’ai donc développé une formation en ligne et, en 2025, un module d’une trentaine d’heures sera dispensé à la faculté de Lille (une formation continue adaptée à l’officine, ouverte aux pharmaciens et aux préparateurs en pharmacie). Je suis aussi devenue maître de conférences associé à la faculté de pharmacie de Lille où j’enseigne aux étudiants en 6e année officine. »
Pharmaciens et docteurs en pharmacie
Certains métiers, pourtant liés au domaine de la pharmacie, ne nécessitent pas une inscription au tableau de l’Ordre. En effet, l’inscription est obligatoire lorsque l’exercice pharmaceutique met en jeu la responsabilité du pharmacien et son diplôme. Ces professionnels accèdent dès lors au statut de « pharmacien ».
Les professions ne répondant pas à ces conditions sont, elles, accessibles aux « docteurs en pharmacie », c’est-à-dire aux diplômés en pharmacie qui ne sont pas inscrits au tableau de l’Ordre. C’est le cas, notamment, des chercheurs, sauf, bien évidemment, s’ils exercent également en officine, à l’hôpital ou dans un laboratoire de biologie médicale. D’autres fonctions sont aussi concernées : les inspecteurs de santé publique, les docteurs en pharmacie fonctionnaires rattachés aux ministères de la Santé, de la Recherche ou des Armées, ou encore ceux qui travaillent dans les agences sanitaires, mais aussi les professionnels impliqués dans les métiers du marketing, l’accès au marché, dans le secteur de l’industrie, par exemple.
Les métiers de l'industrie
Il existe trois grandes activités dans l’industrie pharmaceutique : la fabrication, l’exploitation et l’importation. Le fabricant a la charge de la production et du contrôle de la qualité des médicaments avant leur mise sur le marché, tandis que l’importateur assure leur conformité, en garantissant que les produits respectent les standards réglementaires. L’exploitant, lui, veille au suivi et à la sécurité des médicaments commercialisés, en couvrant des missions essentielles telles que l’information, la pharmacovigilance et la gestion des rappels. Dans chacune de ces activités, tout acte pharmaceutique est accompli sous le contrôle effectif d’un pharmacien. Le rôle de pharmacien responsable (PR) est central. Il organise et surveille l’ensemble des opérations pharmaceutiques de l’entreprise. Pour assurer ses missions, il est accompagné de pharmaciens ayant des fonctions complémentaires : le pharmacien responsable intérimaire, qui le remplace pleinement en cas d’absence, le pharmacien délégué, responsable pharmaceutique au niveau d’un établissement sous l’autorité du PR, et le pharmacien adjoint, qui assiste le PR ou le délégué dans le contrôle et la réalisation des opérations pharmaceutiques.
Dans le cadre ou indépendamment de ces fonctions pharmaceutiques, l’industrie offre de nombreux débouchés aux diplômés de pharmacie, en tant que chargé, responsable ou directeur dans des domaines tels que la recherche, la production, la qualité, l’audit, la logistique, les affaires réglementaires, l’information médicale, la pharmacovigilance, l’environnement, l’hygiène et la sécurité, le marketing et la communication, l’accès au marché, les études pharmaco-économiques…
Quelques exemples :
- le responsable de la recherche clinique, chargé de superviser et de coordonner les essais cliniques afin de garantir leur conformité aux réglementations, tout en assurant la sécurité et l’efficacité des nouveaux traitements testés sur des patients ;
- le responsable des opérations d’assurance qualité qui élabore, met en oeuvre et contrôle l’ensemble des opérations liées à la démarche qualité ;
- le responsable de l’information promotionnelle, chargé de vérifier la conformité de l’ensemble des opérations marketing et de communication ;
- le directeur chargé de fabrication, production, conditionnement, qui supervise et porte la responsabilité de l’ensemble des activités liées à la fabrication et au conditionnement ;
- le responsable import-export ;
- ou encore le responsable de la pharmacovigilance.
Témoignage
Aude Edmond,
directrice Pharmacovigilance et Information médicale, Boehringer Ingelheim, France

« Le cœur de notre métier est la collecte des effets indésirables des médicaments du laboratoire, afin de mettre à jour en continu leur profil bénéfice-risque. Des effets peuvent nous être rapportés par les professionnels de santé, des délégués médicaux, voire par des patients. Nous enregistrons ces informations dans la base de pharmacovigilance du laboratoire et envoyons ces cas dans la base européenne EudraVigilance. Ensuite, nous analysons les données pour repérer un éventuel signal de pharmacovigilance et lancer la procédure adéquate avec les instances sanitaires, notamment l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé). C’est un métier qui demande beaucoup de rigueur, de réactivité, car l’efficacité, la sécurité et la tolérance aux traitements dans la vie réelle conditionnent une prise en charge optimum des patients. »
Les métiers de la distribution de gros
Si les carrières axées sur le métier de grossiste-répartiteur de produits de santé et celles concernant la logistique-dépositaire sont généralement les plus connues de la distribution en gros, elles ne sont pas les seules possibilités offertes dans ce domaine. En effet, la distribution en gros, spécifique à l’exportation ou dans un cadre humanitaire par exemple, propose également des missions ouvertes aux pharmaciens, tout comme la logistique et l’acheminement de produits particuliers, tels les gaz médicaux, les plantes médicinales ou encore les essais cliniques. On retrouve, dans ces activités, les mêmes fonctions pharmaceutiques que dans l’industrie : le pharmacien responsable, ainsi que les fonctions associées, garantissant une organisation et un contrôle de l’ensemble des opérations pharmaceutiques assurées par des pharmaciens.
Les postes ouverts aux pharmaciens sont variés : exploitation, qualité, logistique, affaires réglementaires, achat et référencement produits, relation et service client, communication et marketing, direction d’un établissement…
Les métiers de la distribution en gros sont peut-être moins connus que d’autres dans le secteur pharmaceutique mais ils jouent pourtant un rôle essentiel pour sécuriser l’approvisionnement en produits de santé, tant en matière de conservation, d’acheminement, de gestion des stocks, de juste répartition des produits sur le territoire, notamment dans les situations grandissantes de pénuries.
Témoignage
Christine Debeuret,
pharmacien responsable de l’établissement pharmaceutique pour la protection de la population face aux menaces sanitaires graves, Santé publique France

« Je suis pharmacien responsable à Santé publique France. Jusqu’à la pandémie de Covid-19, j’étais pharmacien praticien hospitalier à Marseille (AP-HM). Je me suis portée volontaire pour renforcer la cellule de crise de la direction générale de la santé au sein de Santé publique France. Je me suis alors occupée de l’achat des médicaments de réanimation. J’ai pu participer à l’activité de l’établissement pharmaceutique avant d’être nommée pharmacien responsable en novembre 2020.
Porté par Santé publique France, l’établissement pharmaceutique pour la protection de la population face aux menaces sanitaires graves est un allié incontournable de l’État. Notre rôle principal est d’acheter, stocker, vérifier la conformité des stocks et assurer la distribution de ces produits sur tout le territoire français en cas de situation sanitaire exceptionnelle, ce qui nous amène à assurer la disponibilité permanente de ces produits, quelles que soient les circonstances en nous assurant que la sécurité et la qualité des produits sont préservées.
Nous sommes en quelque sorte le dépositaire du ministère de la Santé, même si, contrairement à un dépositaire, nous acquérons les produits. Nous disposons également d’une autorisation de fabrication. Je suis inscrite aux sections B (représentant les pharmaciens de l’industrie) et C (représentant les pharmaciens de la distribution en gros) de l’Ordre. Nous sommes en contact avec le ministère, l’ANSM, l’armée ou encore le ministère des Affaires étrangères… »
Les métiers de la biologie médicale
Les activités de biologie médicale, exercées à l’hôpital ou en laboratoire de ville, sont identifiées par tous, même si l’on ignore parfois qu’elles se placent sous la responsabilité d’un pharmacien ou d’un médecin biologiste médical. Mais ce que l’on ne sait pas toujours, c’est que les pharmaciens biologistes peuvent se spécialiser dans des domaines particuliers, comme la procréation médicalement assistée, l’hématologie ou encore la génétique. Les biologistes médicaux peuvent également accéder aux postes de pharmaciens hygiénistes qui, en établissements de santé, participent à la mise en œuvre du programme d’actions défini par le Comité de lutte contre les infections nosocomiales. Enfin, comme leurs confrères docteurs en pharmacie, ils peuvent s’orienter vers une carrière axée sur la recherche biomédicale (Inserm, CNRS, Inra…) et devenir enseignant-chercheur.
Témoignage
Lucie Delaroche,
biologiste médicale spécialisée en procréation médicale assistée

« En tant que directrice de laboratoire de fécondation in vitro (FIV), je suis responsable de la mise en œuvre des techniques de reproduction assistée, du respect des normes qualité, ainsi que de l’application de la réglementation en vigueur. Je supervise toutes les étapes clés du processus : de la préparation des gamètes à la mise en fécondation, en passant par la culture et le transfert embryonnaire, la congélation et décongélation des gamètes et embryons. Mon équipe et moi jouons un rôle déterminant dans les taux de réussite des traitements, et pour cela, nous travaillons en étroite collaboration avec les gynécologues afin de définir les stratégies thérapeutiques les plus adaptées. Ensemble, nous accueillons et accompagnons les couples tout au long de leur parcours vers la parentalité, en leur offrant un suivi individualisé. Par ailleurs, je suis responsable de la gestion de la banque de gamètes et d’embryons cryoconservés, ainsi que du recueil et de la transmission des données issues de grossesses et d’accouchements, que nous rapportons annuellement à l’Agence de la biomédecine. Enfin, je veille à rester à l’avant-garde de la recherche scientifique afin d’offrir à nos patients les traitements les plus innovants. Ma thématique de recherche, sur laquelle j’ai publié plusieurs articles scientifiques, porte sur l’impact des consommables plastiques sur le développement embryonnaire et les taux de succès. »
Les métiers en établissements de santé ou médicosociaux et des services d’incendie et de secours
Le pharmacien hospitalier agit plus particulièrement au sein des pharmacies à usage intérieur (PUI) des établissements de santé ou dans les services d’incendie et de secours (SIS). Il apporte son expertise en matière de gestion des risques chimiques, biologiques, ou encore nucléaires. Sa particularité : travailler sur l’ensemble des produits de santé (médicaments, préparations, dispositifs médicaux implantables, dispositifs médicaux stériles…).
Mais au-delà de ces lieux d’exercice habituels, les pharmaciens hospitaliers interviennent également dans des établissements moins communs, comme les centres de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie, les plannings familiaux ou encore les établissements pénitentiaires.
Avec une approche qui se veut pluridisciplinaire, leur domaine d’intervention est large. Les pharmaciens hospitaliers peuvent aussi exercer en tant que radiopharmaciens ou devenir pharmaciens hygiénistes, voire enseignants-chercheurs.
Ils participent par ailleurs au développement de la pharmacie clinique, en intégrant des équipes de soins ou encore en contribuant aux recherches fondamentales et appliquées, en lien avec les unités de l’Inserm ou du CNRS.
Témoignage
Karine Felice,
radiopharmacienne à l’hôpital NOVO - Site de Pontoise

« J’exerce les missions habituelles d’un pharmacien en PUI, mais au sein du service de médecine nucléaire. Je gère les approvisionnements, la préparation, le contrôle, la dispensation des médicaments, notamment radiopharmaceutiques. Gérer la dimension radioactive du médicament demande des formations et des compétences particulières en matière de radioprotection, entre autres. De plus, en raison de la demi-vie parfois très courte de ces produits, nous n’avons pas de stocks et devons souvent nous adapter aux rythmes incertains des livraisons. Avec l’essor des médicaments radiopharmaceutiques pour traiter le cancer de la prostate, des entretiens pharmaceutiques vont être mis en place, et c’est quelque chose que j’apprécie tout particulièrement, car je suis en contact avec les patients. C’est tout l’enjeu du développement nécessaire et attendu de la pharmacie clinique. »
Mot d’Ordre
Carine Wolf-Thal,
présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens

« La diversité des missions des pharmaciens dans la chaîne de soins est un atout majeur pour la santé publique. L’interprofessionnalité est au cœur de notre exercice, et permet de répondre aux enjeux de demain. Cette diversité répond aux besoins d’une prise en charge plurielle, de proximité et de plus en plus exigeante de la part des patients. Plus encore, de nouveaux métiers se dessinent dans des domaines émergents comme l’intelligence artificielle ou l’environnement. Nos compétences sont prêtes à s’y déployer et à relever ces nouveaux défis. »