Le Pr Isabelle Momas est professeur de santé publique à la faculté de pharmacie de Paris où elle dirige une équipe de recherche (Inserm, IRD) en santé environnementale. Elle a coprésidé la Commission d’orientation du premier Plan national santé environnement (PNSE) et est par ailleurs co-animatrice de la sixième section (santé environnementale) de l’Académie nationale de pharmacie.

« La santé environnementale occupe désormais une place centrale dans les politiques de santé publique. Ce tournant ne doit rien au hasard : nous savons aujourd’hui que l’environnement contribue de manière déterminante à l’apparition de nombreuses maladies. Ce poids considérable, longtemps sous-estimé, s’impose désormais comme un impératif sanitaire majeur. Il suffit de se rappeler que les plus grands progrès de l’histoire de l’humanité en matière de santé (accès à une eau de boisson de bonne qualité, assainissement, hygiène industrielle, amélioration de l’alimentation…) sont nés de mesures environnementales. Si les épisodes extrêmes, comme le smog londonien, appartiennent au passé, les expositions actuelles, plus faibles mais chroniques, génèrent des effets insidieux. Cette évolution, combinée à une défiance croissante du public à la suite des différentes crises sanitaires, contribue à exacerber la perception des risques et à renforcer l’exigence de transparence.

Plans nationaux santé-environnement

Depuis 2004, la France a progressivement structuré son action grâce aux PNSE, qui ont permis d’articuler connaissances scientifiques, préoccupations sociétales et action publique. Ces plans ont successivement renforcé la prévention des pathologies environnementales, pris en compte les inégalités géographiques d’exposition, intégré les risques émergents – notamment dans le contexte du changement climatique – et affirmé la nécessité d’une approche globale One Health (une seule santé), révélée de manière éclatante par la crise de la Covid-19. Les risques environnementaux restent nombreux, qu’ils soient liés à l’air extérieur ou intérieur, aux expositions chimiques quotidiennes (pesticides, perturbateurs endocriniens…), aux pollutions lumineuses ou sonores, ou encore à la contamination de l’eau et des sols (radon). Certains effets sont bien documentés, comme les cancers, pathologies respiratoires, allergies et la reprotoxicité, tandis que d’autres demeurent entourés d’incertitudes, comme les impacts neurotoxiques ou l’effet « cocktail » des mélanges de polluants. Ce dernier constitue d’ailleurs l’un des défis scientifiques majeurs des prochaines années.

La prévention comme levier

Face à cette complexité, la prévention constitue le levier le plus efficace. Elle repose sur l’information, la formation, l’accompagnement et une transformation progressive des comportements individuels et collectifs. Mais encore faut-il des relais crédibles, accessibles et compétents. Et c’est ici que les pharmaciens ont un rôle déterminant à jouer. Acteurs de première ligne, professionnels de proximité, ils sont sans doute les interlocuteurs auxquels le public accède le plus facilement et en qui il place volontiers sa confiance. Leur formation pluridisciplinaire les rend particulièrement aptes à comprendre et à expliquer les risques environnementaux. Ils disposent d’outils puissants : bilans de prévention, entretiens pharmaceutiques, accompagnement des femmes enceintes, suivi des patients chroniques. Ils peuvent interroger les conditions de vie, relayer les recommandations des autorités sanitaires, diffuser des messages pédagogiques continus, et contribuer à faire émerger une véritable culture de santé environnementale.

Pharmaciens, mobilisez-vous !

La santé environnementale évolue vite, les attentes de la population aussi : il est indispensable de disposer d’un maillage professionnel formé, compétent et visible. Aussi, la mobilisation des pharmaciens gagnerait-elle à être renforcée par une formation initiale harmonisée et une formation continue systématisée dans ce domaine. La santé environnementale n’est plus un enjeu périphérique : elle est au cœur de la santé publique d’aujourd’hui et de demain. Par votre proximité, vos compétences et la confiance des patients, vous êtes parmi les mieux placés pour informer, prévenir et accompagner. Saisissez-vous pleinement de cette mission et contribuez à diffuser les bonnes pratiques, pour que chacun puisse évoluer dans un environnement plus sain et protecteur ».

Isabelle Momas
professeur de santé publique à la faculté de pharmacie de Paris

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« La santé environnementale est au cœur de la santé publique d’aujourd’hui et de demain. »

 

« Les pharmaciens ont un rôle déterminant à jouer […]. Ils sont sans doute les interlocuteurs auxquels le public accède le plus facilement et en qui il place volontiers sa confiance. »