Le ministère de la Santé et de la Prévention a rappelé aux professionnels de santé concernés, par le DGS-Urgent N° 2023_18 en date du 21 septembre 2023, l’obligation de réaliser un dosage de l’uracilémie avant tout traitement par des fluoropyrimidines.

Chaque année en France, près de 80 000 personnes atteintes d’un cancer – principalement digestif, mammaire ou ORL - sont traitées par une chimiothérapie à base de fluoropyrimidines (5-fluorouracile dit 5-FU, ou capécitabine à savoir Xeloda® et génériques), utilisées seules ou en combinaison avec d’autres anticancéreux.

Les fluoropyrimidines peuvent entraîner des toxicités sévères (1 patient sur 5), voire des décès (entre 1 patient sur 100 et 1 patient sur 1 000). Une partie de ces toxicités est liée à un déficit d’activité de la principale enzyme permettant l’élimination de ces médicaments, appelée dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD). Le déficit peut être partiel (3 à 5 % des patients) ou total (entre 0,01 % et 0,5 % des patients)1.

Pour éviter certaines de ces toxicités, l’INCa et la HAS ont recommandé en décembre 2018, à la suite de recommandations temporaires de l’ANSM en février, que la recherche du déficit en DPD soit réalisée systématiquement chez tous les patients dont l’activité en DPD n’est pas connue et devant recevoir une chimiothérapie utilisant les fluoropyrimidines. Le test doit être réalisé obligatoirement avant la première dose de fluoropyrimidines et repose sur la mesure de l’uracilémie. Les patients concernés sont :

  • les nouveaux patients avant instauration d’une première chimiothérapie comportant une fluoropyrimidine ;
  • les patients ayant déjà été traités par fluoropyrimidine mais chez lesquels une recherche de déficit en DPD n’a jamais été entreprise.

Depuis avril 2019, l'obtention du résultat du dépistage d'un déficit en DPD par la mesure de l’uracilémie (phénotypage) est réglementairement obligatoire avant toute initiation d’un traitement par fluoropyrimidines. Les conditions de prescription et de délivrance (CPD) de l'ensemble de ces médicaments ont été modifiées par l’ANSM : aucune prescription ni délivrance ne peut être réalisée sans ce résultat.

Le prescripteur doit avoir préalablement soit pris connaissance des résultats soit vérifié l’absence de déficit en DPD déjà connue pour un patient, et adapté la posologie le cas échéant. Il doit également inscrire la mention « Résultats uracilémie pris en compte » sur la prescription de 5 FU ou de capécitabine. Cette mention est obligatoire pour toute délivrance.

Malgré les données des laboratoires de biologie médicale montrant une augmentation du nombre de dosages d’uracilémie réalisés en France depuis 2019, trois études monocentriques françaises 2,3,4 mesurant l’application de l’obligation de dépistage du déficit en DPD suggèrent des manquements importants. Bien que le dosage de l’uracilémie semble être effectué chez la quasi-totalité des patients traités par fluorouracile ou capécitabine, celui-ci n’est pas systématiquement réalisé avant le début du traitement. La part de patients chez qui le résultat du test d’uracilémie est disponible avant la première dose de traitement varie de 21 % à 72 % selon les centres, sur des données disponibles entre 2019 et 2021.

La DGS rappelle les recommandations en vigueur émises par la HAS et l’INCa en 2018 et l’évolution des conditions de prescription et délivrance en 2019, soulignant ainsi l'importance et l’obligation de suivre ces recommandations pour garantir une prise en charge sécurisée des patients.

Recommandations en vigueur pour les prescripteurs hospitaliers

  • Lors des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP), prendre en compte le résultat du dosage de l’uracilémie afin de définir la conduite à tenir et la prise en charge thérapeutique (protocole, posologies etc.). Le résultat de l’uracilémie devra être enregistré dans le dossier du patient pour être pris en compte tout au long du suivi, y compris lors des changements de protocoles thérapeutiques. Cette mesure s’adresse aux services qui ne l’auraient pas encore intégrée.
  • Actualiser les protocoles de chimiothérapies des services utilisateurs de fluoropyrimidines (5-FU et capécitabine) en y intégrant la nécessité de réaliser une uracilémie chez tous les patients dont le déficit en DPD n’est pas connu et impérativement avant la première dose.
  • Informer le patient que la mesure de l’uracilémie est faite à partir d’une prise de sang qui doit être réalisée rapidement afin que les résultats parviennent au clinicien au plus tard dans les 7 à 10 jours.
  • Prendre en compte le résultat de l’uracilémie avant de prescrire.
  • Inscrire systématiquement la mention « résultats uracilémie pris en compte », sur la prescription de 5 FU ou de capécitabine, après avoir pris connaissance des résultats ou de l’absence de déficit précédemment établie pour ce patient et d’avoir adapté la posologie le cas échéant. Cette mention est obligatoire pour le contrôle effectué par le pharmacien (hospitalier ou d’officine) en vue de la dispensation.
  • En cas d’uracilémie supérieure ou égale à 150 ng/ml (évocatrice d’un déficit complet en DPD), le traitement par fluoropyrimidines est contre-indiqué, compte tenu du risque de toxicité très sévère, engageant le pronostic vital ou d’évolution fatale. En cas d’absence d’alternative thérapeutique, le recours aux fluoropyrimidines ne peut être envisagé qu’à dose extrêmement réduite et sous surveillance très étroite.
  • En cas d’uracilémie comprise entre 16 ng/ml et 150 ng/ml (évocatrice d’un déficit partiel en DPD), et sur la base d’un dialogue entre le laboratoire et l’équipe médicale, la posologie initiale des fluoropyrimidines doit être adaptée en tenant compte du niveau d’uracilémie mesuré, en plus des autres facteurs de risque de toxicité déjà pris en compte (protocole de traitement, âge, état général du patient…). Un réajustement thérapeutique doit être envisagé dès le deuxième cycle de chimiothérapie en fonction de la tolérance au traitement et/ou du suivi thérapeutique pharmacologique s’il est disponible.
  • En l’absence de données sur l’adaptation posologique à réaliser chez les patients avec un déficit en DPD et traités par une fluoropyrimidine, la réalisation d’un suivi pharmacologique et thérapeutique est recommandée dès la première administration.
  • Penser à informer les personnes de l’équipe soignante en charge de l’administration de vérifier, avant d’administrer un traitement par 5-FU ou par capécitabine, qu’une mesure de l’uracilémie a été réalisée et que les résultats ont été pris en compte par le prescripteur (par présence de la mention « Résultats uracilémie pris en compte » sur l’ordonnance).
  • Déclarer immédiatement tout effet indésirable susceptible d'être dû à un traitement par fluoropyrimidines dont vous auriez eu connaissance.

Recommandations pour les pharmaciens

  • Ne délivrer un médicament contenant du 5-FU ou de la Capécitabine que si :

- La prescription émane d’un médecin hospitalier spécialiste en oncologie ou en hématologie, ou compétent en cancérologie.

- La mention « Résultats uracilémie pris en compte » figure sur la prescription.  NB : le 5-FU n’est disponible qu’à l’hôpital.

  • En l’absence de mention, prévenir le médecin prescripteur que le traitement ne peut être dispensé.

Recommandations pour les biologistes

  • Organiser la réalisation de l’examen de façon à ce que le clinicien reçoive le résultat 7 à 10 jours maximum après la réalisation du prélèvement et avant la première dose de fluoropyrimidine.
  • Seul changement par rapport aux recommandations HAS/INCa de 2019, la conservation du prélèvement sanguin est limitée à 1h à température ambiante (versus 1h30 en 2019) et à 4h à +4C°. (Communication HAS/INCa à venir).

Les recommandations INCa/HAS sont également disponibles sur le site de la HAS.

Source : DGS-Urgent N° 2023_18

Toutes les fiches médicaments sont sur le site Meddispar pour aider les pharmaciens d'officine. 

1. Des recommandations pour prévenir certaines toxicités sévères des chimiothérapies par fluoropyrimidines, HAS, 2018.

2. Fillatre A, Hainaut MA, Abdaoui A, Saint-Germain P, Houbert A. Dosage de l’uracilémie chez les patients traités par fluorouracile : une obligation respectée ? Pharm Clin. déc 2022;57(4):e91.

3. Daucé L. Recherche de déficit en dihydropyrimidine déshydrogénase dans la prévention des toxicités sévères sous fluoropyrimidines : évaluation des pratiques professionnelles au centre Francois Baclesse. UNICAEN Santé; 2022 [cité 9 juin 2023].

4. Bardin D. Recommandations de sécurité d’emploi des fluoropyrimidines de 2018 : évaluation des pratiques au CHU de Rouen [Internet]. UNIROUEN Santé; 2022 [cité 9 juin 2023].