Augmentation des infections invasives à méningocoque en France

Par un DGS-Urgent, le ministère chargé de la Santé souhaite alerter sur l’augmentation des cas d’infections invasives à méningocoque (IIM) observée depuis le mois de novembre avec un niveau exceptionnellement élevé pour le mois de janvier 2025. Avec 90 cas survenus en janvier 2025 (données non consolidées), la saison 2024/25 se démarque par des niveaux d’incidence élevés, comparativement aux saisons passées.
En janvier 2025, les IIM du sérogroupe B étaient majoritaires (45 % des cas), suivies des sérogroupes W (30 %) et Y (25 %). Depuis le mois de juillet 2024, 50 décès ont été déclarés soit une létalité de 13,7 %. Les souches du sérogroupe W restent à l’origine de formes plus sévères, avec une létalité de 19,8 % pour ce début de saison 2024/25.
Plusieurs études ont montré la relation temporelle entre les épidémies de grippe et les IIM, les infections grippales augmentant leur risque de survenue.
Ce DGS-Urgent appelle à la vigilance des professionnels de santé sur le risque accru de survenue d’infections invasives à méningocoque dans le contexte épidémiologique actuel, et sur l’importance de la vaccination. Outre la prise en charge des IIM et la prophylaxie autour d’un cas, vous trouverez ci-dessous le rappel des recommandations vaccinales récentes.
1. Rappel des caractéristiques cliniques
Les IIM sont dominées par les méningites et les méningococcémies (bactériémies à méningocoque) aiguës, dont le purpura fulminans. Les signes de méningite bactérienne chez l’enfant et l’adulte associent classiquement un syndrome infectieux et un syndrome méningé (fièvre élevée, céphalées, vomissements, raideur de la nuque, photophobies, troubles de conscience, purpura, convulsions). Des formes cliniques non méningées sont aussi décrites comme les arthrites et les formes abdominales. Le tableau clinique peut être atypique chez le nourrisson et le petit enfant et les signes d’alerte peuvent varier en fonction de l’âge du patient. Toute suspicion clinique d’IIM nécessite une prise en charge médicale urgente avec appel systématique du SAMU-Centre 15. La rapidité de prise en charge est essentielle pour le pronostic.
En cas de suspicion clinique de purpura fulminans, une antibiothérapie appropriée faisant appel à la classe des céphalosporines de 3ème génération injectables (ceftriaxone ou céfotaxime) doit être mise en route en urgence en préhospitalier. Cette antibiothérapie doit s’accompagner d’une prise en charge globale de sepsis grave associant pose de voie d’abord, remplissage vasculaire, surveillance continue des constantes vitales et transfert médicalisé (avec un appel au SAMU centre 15) vers une unité de réanimation.
2. Circuit de signalement des cas
(instruction n°DGS/SP/2018/163)
Tout cas suspect doit faire l’objet d’une confirmation par examen biologique afin d’identifier les méningocoques par culture et/ou PCR. Certains cas peuvent être considérés comme des IIM en l’absence de confirmation biologique lorsqu’ils sont caractérisés par des symptômes cliniques fortement évocateurs d’IIM.
Tout cas doit être notifié sans délai et par téléphone à l’Agence régionale de santé puis une fiche de déclaration obligatoire doit être remplie.
L’envoi au Centre national de référence (CNR) des méningocoques et Haemophilus influenzae de toute souche ou de tout matériel positif pour le méningocoque (échantillon clinique ou extrait d’ADN) est indispensable pour typage complet. Un résultat positif de la PCR ne doit pas dispenser de la mise en culture, qui seule permet d'obtenir la souche bactérienne en vue d'analyses ultérieures par le CNR et l'obtention de l’antibiogramme.
Les mesures de prophylaxie à appliquer autour d’un ou plusieurs cas d’IIM sont présentées en annexe 1.
3. Stratégie de vaccination contre les IIM : les nouvelles recommandations en vigueur depuis le 1er janvier 2025
Face à l’augmentation des cas d’IIM sur le territoire, la stratégie la plus efficace reste la vaccination, telles que le prévoient les nouvelles recommandations du calendrier vaccinal.
- Concernant la vaccination contre les sérogroupes A, C, W et Y :
- Chez les nourrissons, la vaccination tétravalente est obligatoire selon un schéma vaccinal à deux doses : une dose à l’âge de 6 mois (Nimenrix®) suivie d’une dose de rappel à l’âge de 12 mois (Nimenrix® ou MenQuadfi®) [1];
- Chez les adolescents, la vaccination est recommandée :
- De 11 à 14 ans selon un schéma une dose quel que soit leur vaccination antérieure (Nimenrix® ou MenQuadfi® ou Menveo®) ;
- De 15 à 24 ans dans le cadre du rattrapage vaccinal avec un schéma une dose (Nimenrix® ou MenQuadfi® ou Menveo®).
- Concernant le sérogroupe B :
- La vaccination par le vaccin Bexsero® est obligatoire chez l’ensemble des nourrissons à partir du 1er janvier 2025 selon un schéma à trois doses (M3, M5, M12).
Un rattrapage jusqu’à 24 mois est prévu pour les nourrissons jamais vaccinés ou au statut vaccinal incomplet ou inconnu (cf. annexe 2).
Des recommandations vaccinales particulières viennent compléter l’approche du calendrier vaccinal particulier chez les personnes à risque élevé d’IIM (personnes immunodéprimées et leur entourage familial) ainsi qu’en milieu professionnel et chez les voyageurs [2].
Le ministère invite les professionnels de santé à s’assurer de la vaccination de leurs patients conformément à ces recommandations.
La DGS a saisi la Haute autorité de santé pour identifier si la stratégie vaccinale contre les méningocoques notamment les recommandations concernant le rattrapage doit être révisée au regard de la situation épidémique actuelle. Les conclusions de la HAS seront rendues sous un mois.
Le détail des vaccins disponibles (avec les précisions sur le schéma vaccinal, l’interchangeabilité et les associations vaccinales) est disponible dans le calendrier vaccinal sur le site du ministère chargé de la Santé et un tableau récapitulatif présenté en annexe 3.
Les vaccins sont disponibles en pharmacie et doivent être conservés au réfrigérateur entre + 2°C et + 8°C. Ils ne doivent pas être congelés. La vaccination peut être réalisée en cabinet libéral, en pharmacie, à l’hôpital ou en PMI (pour les enfants jusqu’à 6 ans), ou dans un laboratoire de biologie médicale (cf. tableau 1). Elle peut également être réalisée dans un centre de vaccination public. Dans ce cas, la prescription, la délivrance du vaccin et la vaccination s’effectuent sur place.
Tableau 1 : compétences vaccinales des professionnels de santé pour la vaccination contre les infections invasives à méningocoques telles que précisées dans le calendrier vaccinal
Professionnels | Médecins | Sages-femmes | Pharmaciens (y compris exerçant en LBM et PUI) | Infirmiers (y compris exerçant en LBM et PUI | ||
Publics concernés | Tout public | Tout public | < 11 ans | ≥ 11 ans | < 11 ans | ≥ 11 ans |
Prescription / Administration | Oui / Oui | Oui / Oui | Non / Non | Oui / Oui | Non / Oui* | Oui / Oui |
*sur prescription de l’acte d’injection par un médecin
L’injection du vaccin est prise en charge par l’Assurance Maladie et les complémentaires santé dans les conditions habituelles. Il n’y a pas d’avance de frais pour la consultation dans les centres de vaccination publics et en services de Protection maternelle et infantile (PMI). Le vaccin est administré par voie intramusculaire uniquement. La vaccination doit être inscrite dans le carnet de santé ou de vaccination, et sur le carnet de vaccination électronique inclus dans l’espace numérique en santé « Mon espace santé ».
Source :
Notes :
[1] Le vaccin Neisvac n’est plus recommandé et est remplacé par l’un des vaccins quadrivalents ACWY utilisables selon l’âge.
[2]
En milieu professionnel :
- Chez les personnels de laboratoire travaillant sur le méningocoque.
Chez les voyageurs (Recommandations sanitaires 2024 aux voyageurs) :
- Se rendant dans « la ceinture de la méningite » en Afrique subsaharienne ou dans tout autre zone où sévit une épidémie (en cas de résidence ou de séjour en contact étroit avec la population) :
- Pour les personnes de plus de 6 semaines (vaccins ACWY)
- Pour les nourrissons âgés de 2 à 12 mois en cas d’épidémie (vaccins ACWY)
- Pour les personnes exerçant une activité dans le secteur de la santé ou auprès des réfugiés dans les zones fortement touchées (vaccins ACWY)
- Chez les pèlerins se rendant à La Mecque (Hadj ou Omra) :
La vaccination contre les IIM avec un vaccin méningococcique tétravalent A, C, W, Y, datant de plus de 10 jours et de moins de 3 ans, est obligatoire pour l’obtention des visas pour le pèlerinage en Arabie saoudite ; elle doit être attestée par le certificat international de vaccination, sur lequel sera collée l’étiquette du vaccin indiquant le nom du vaccin et le numéro de lot (cf. Annexe 6 du Règlement sanitaire international).
Annexes
Annexe 1 – Mesures de prophylaxie à appliquer autour d’un ou plusieurs cas d’IIM
(source : instruction n°DGS/SP/2018/163)
- Antibioprophylaxie autour d’un cas
Les personnes considérées sujet contacts d’un cas d’IIM, c’est-à-dire ayant été exposées directement aux sécrétions rhino-pharyngées d’un cas (contact proche <1 mètre en face à face, et prolongé >1h d’affilée) dans les 10 jours précédant son hospitalisation, doivent bénéficier d’une antibioprophylaxie effectuée dans les meilleurs délais, si possible dans les 24 à 48 heures suivant le diagnostic et pas au-delà de 10 jours après le dernier contact avec le cas index. Les contacts des sujets contacts ne sont pas à risque.
D’après l’Instruction n°DGS/SP/2018/163, les antibiotiques recommandés sont la rifampicine, la ciprofloxacine ou la ceftriaxone.
L’antibioprophylaxie est à adapter en fonction des résultats de l’antibiogramme du cas index. Toutefois, dans un contexte de reprise progressive des flux occasionnant des difficultés d’approvisionnement en rifampicine, et ce, malgré l’allègement du dispositif de contingentement depuis le 3 février 2025 (Actualité - La disponibilité des médicaments à base de rifampicine s’améliore, le dispositif de restriction des indications est allégé - ANSM), le ministère demande de tenir compte des recommandations suivantes établies dans le contexte des difficultés d’accès à la rifampicine :
- Si la souche est sensible à la ciprofloxacine :
- ciprofloxacine (voie orale) ou ceftriaxone (voie injectable)
- Si la souche est résistante à la ciprofloxacine ou en l’absence justifiée de documentation (correspond à des situations de cas déclarés comme purpura fulminans sans prélèvement biologique, et à des cas sans culture bactérienne positive et une PCR à faible quantité de l’ADN ne permettant pas un séquençage fiable et une prédiction de la sensibilité à la ciprofloxacine) :
- ceftriaxone (voie injectable), sauf contre-indication.
La rifampicine doit être réservée aux situations où la souche est résistante à la ciprofloxacine et qu’il existe une contre-indication à la ceftriaxone.
Selon les situations, un avis spécialisé en infectiologie avant instauration de l’antibioprophylaxie pourra être envisagé.
- Vaccination des sujets contacts
La vaccination autour d’un cas sporadique d’IIM complète l’antibioprophylaxie lorsque la souche responsable du cas est du sérogroupe A, C, W ou Y. Le statut vaccinal de l’entourage d’un cas doit être vérifié. Le cas échéant, la vaccination doit être alors réalisée au plus tard dans les dix jours après le dernier contact avec le cas index.
- Autour d’un cas d’IIM (ACWY) :
La vaccination ACWY est recommandée pour les sujets contacts d’un cas d’IIM de sérogroupe A, C, W ou Y selon les autorisations de mise sur le marché (AMM) : Nimenrix® (à partir de 6 semaines), Nimenrix® ou Menquadfi® (à partir de 12 mois) ou Nimenrix® ou Menquadfi® ou Menveo® à partir de 2 ans.
- Autour d’un cas isolé d’IIM B :
La vaccination à visée prophylactique des sujets contacts autour d’un cas isolé d’IIM B, en plus de l’antibioprophylaxie n’est actuellement pas recommandée. Toutefois la survenue d’une IIM B doit conduire à mettre à jour le statut vaccinal des personnes dans l’entourage selon les recommandations générales et spécifiques figurant dans le calendrier vaccinal.
- Autour de plusieurs cas d’IIM (ACWY ou B) :
La vaccination contre les méningocoques peut être recommandée par les autorités sanitaires pour un groupe de personnes lorsqu’il y a plusieurs cas d’infections invasives liés à une même souche de méningocoque dans un groupe social, une collectivité ou dans une zone géographique restreinte. Elle doit faire l’objet de discussion ad hoc dans le cadre de cellule d’aide à la décision impliquant l’ARS, Santé Publique France, le CNR et le Centre opérationnel de régulation et réponse aux urgences sanitaires et sociales (CORRUSS) le cas échéant.
Annexe 2 – Recommandations de rattrapage pour la vaccination contre le sérogroupe B jusqu’à 24 mois pour les nourrissons jamais vaccinés ou au statut vaccinal incomplet ou inconnu
(source : calendrier vaccinal)
Âge | Nombre de doses incluant doses reçues antérieurement | Intervalle minimal entre la dose 1 et la dose 2 | Rappel |
2 à 5 mois | 2 | 2 mois | Une dose entre 12 et 15 mois avec un intervalle d'au moins 6 mois avec la dernière dose |
6 à 11 mois | 2 | 2 mois | Une dose au cours de la deuxième année avec un intervalle d'au moins 2 mois avec la dernière dose |
12 à 23 mois | 2 | 2 mois | Une dose avec un intervalle de 12 à 23 mois |
Annexe 3 – Schéma récapitulatif des indications du calendrier vaccinal et des recommandations spécifiques
(pour plus de précisions : Calendrier des vaccinations et recommandations 2024)
Sérogroupe | Population | Type de vaccination | Nom commercial | Schéma vaccinal | Remboursement |
ACWY | Nourrissons ≥ 6 semaines | Obligatoire | Nimenrix® à M6 et Nimenrix® ou MenQuadfi® à M12 | 2 doses (M6, M12) | 65 % |
11-14 ans | Recommandée | Nimenrix® ou MenQuadfi® ou Menveo® | Une dose | 65 % | |
15-24 ans | Rattrapage | Nimenrix® ou MenQuadfi® ou Menveo® | Une dose | 65 % | |
Populations particulières à risques élevé d'IIM Personnes souffrant d'un déficit en fraction terminale du complément, recevant un traitement anti-complément, porteuses d'un déficit en properdine ou ayant une ospiénie anatomique ou fonctionnelle et personnes ayant reçues une greffe de cellules souches hématopoïétiques | Recommandée | Nimenrix® ou MenQuadfi® ou Menveo® | Une dose + rappel tous les 5 ans | 65 % | |
Personnels de laboratoire de recherche travaillant sur le méningocoque | Recommandée | Nimenrix® ou MenQuadfi® ou Menveo® | Une dose | 65 % | |
Autour d'un ou plusieurs cas d'IIM A, C, W, Y ou situation d'hyperendémie | Ad hoc Cf Instruction n°DGS/SP/2018/163 | Nimenrix® ou MenQuadfi® ou Menveo® | Une dose | 65 % | |
B | Nourrissons | Obligatoire | Bexsero® | 3 doses (M3, M5, M12) | 65 % |
Populations particulières à risque élevé d'IIM Personnes souffrant d'un déficit en fraction terminale du complément, recevant un traitement anti-complément, porteuses d'un déficit en properdine ou ayant une osplénie anatomique ou fonctionnelle et personnes ayant reçue une greffe de cellules souches hématopoïétiques | Recommandée | Bexsero® et Trumenba® | Une dose + rappel tous les 5 ans | 65 % | |
Personnels de laboratoire de recherche travaillant sur le méningocoque | Recommandée | Bexsero® et Trumenba® | Une dose | 65 % | |
Autour de plusieurs cas d'IIM B ou situation d'hyperendémie | Ad hoc Cf Instruction n°DGS/SP/2018/163 | Bexsero® et Trumenba® | Une dose | 65 % |