Au regard de l’hétérogénéité des conditions de prise en charge et de suivi des dysthyroïdies, la Haute Autorité de santé (HAS) met à disposition un socle complet de recommandations. Elles ont notamment pour objectif de séquencer un recours aux examens de biologie médicale ou d’imagerie, et de maîtriser l'utilisation de la lévothyroxine. 

Les faits

  • Les dysfonctionnements de la thyroïde concernent un nombre important de Français : environ 2 % de la population en souffrent, avec une nette prévalence féminine et une augmentation de fréquence à partir de 35 ans. 
  • Qu’il s’agisse d’hypothyroïdie, liée à une diminution ou à une absence de production des hormones thyroïdiennes, ou d’hyperthyroïdie, conséquence d’un excès d’hormones thyroïdiennes, la Direction générale de la santé (DGS) a estimé, en 2018, que ces pathologies ne donnaient pas lieu à des prises en charge optimales :
    • examens de biologie médicale et d’imagerie non pertinents ;
    • sur-prescription de traitements substitutifs (principalement, lévothyroxine) ;
    • fréquence élevée de l’exérèse chirurgicale en cas d’hyperthyroïdie…


Partant de ce constat, la HAS a publié, à l’intention des professionnels de santé, des fiches sur la pertinence des soins et des examens d’imagerie. 
Elle a élaboré des recommandations complètes, mises en ligne au mois de mars 2023, et organisera, le 25 avril 2023, un webinaire de présentation à destination des professionnels de santé.

 

Ce qu’il faut retenir


Les points-clés de ces recommandations : 


Pour l’hypothyroïdie : 

  • le diagnostic repose sur des signes cliniques évocateurs et l’anamnèse du patient (pas de dosage systématique) ;
  • le diagnostic est confirmé par le dosage de la TSH, puis de la T4L, selon un procédé “en cascade” à partir d’un seul prélèvement sanguin, et par le  dosage des anticorps anti-TPO (thyroperoxydase) uniquement en cas de suspicion de maladie auto-immune (thyroïdite de Hashimoto, par exemple) ;
  • en cas de traitement substitutif, la surveillance annuelle se fait avec la seule TSH.


Pour l’hyperthyroïdie : 

  • le dosage de la TSH est suffisant pour confirmer le diagnostic en première intention ;
  • le recours à l’imagerie ne doit pas être systématique ;
  • si le traitement est nécessaire, il passe, en premier, par les antithyroïdiens de synthèse (Néo-mercazole®, Basdène®, Propylex®, Thyrozol®). Les traitements radicaux (iode 131, en priorité) ne sont envisagés qu’en cas d’échec.


Les outils pratiques pour la mise en œuvre de ces recommandations : 

  • Pour l’hypothyroïdie : une fiche de synthèse et quatre arbres décisionnels (précisant l’exploration biologique et le traitement de l’hypothyroïdie primaire chez l’adulte de moins de 65 ans, la prise en charge de hypothyroïdie de la personne âgée de plus 65 ans et le cas particulier de la femme enceinte à risque d’hypothyroïdie) ;
  • Pour l’hyperthyroïdie : une fiche de synthèse et deux arbres décisionnels (précisant l’exploration biologique et la prise en charge thérapeutique de l’hyperthyroïdie primaire chez l’adulte de moins de 65 ans).


Points d’intérêt pour le pharmacien


Au laboratoire de biologie médicale (LBM), la HAS préconise : 

  • de réaliser des dosages « en cascade » : dosages conditionnels effectués sur un même prélèvement à partir d’une seule ordonnance. Après le dosage initial de la TSH, il appartient donc au biologiste médical de déterminer s’il faut poursuivre ou non les investigations, comme le lui permet déjà la législation ;
  • si les résultats de TSH sont en faveur d’une hypothyroïdie, d’effectuer dans un second temps un dosage de tétra-iodothyronine libre (T4L) pour distinguer une hypothyroïdie avérée d’une hypothyroïdie fruste. Le dosage des anticorps anti-TPO peut être réalisé si une origine auto-immune est suspectée. Le dosage de T3L n’a pas d’intérêt ;
  • si les résultats de TSH sont en faveur d’une hyperthyroïdie, d’effectuer, dans un second temps, un dosage de T4L, puis de T3L, pour distinguer une hyperthyroïdie avérée d’une hyperthyroïdie fruste. Le dosage des anticorps anti-récepteurs de la TSH (TRAK) peut ensuite être effectué pour préciser l’étiologie (maladie de Basedow, adénome toxique…). 


À l’officine : 

  • lorsque le traitement du déficit thyroïdien est nécessaire, il repose sur la prescription de lévothyroxine, qui existe sous différentes présentations et formes galéniques. Les difficultés rencontrées lors d’un changement d’excipient, en 2018, montrent que les préférences du patient parmi les spécialités disponibles doivent être prises en compte dans la mesure du possible ;
  • pour rappel, aucune initiation de traitement ne doit désormais être réalisée avec la spécialité Euthyrox® et cette dernière ne doit pas être confondue avec le médicament Euthyral® 100 µg/20 µg, composé de lévothyroxine (100 µg/comprimé) et de liothyronine (20 µg/comprimé) ;
  • il est important d’être à l’écoute du patient et d’engager un dialogue constructif, tant lors de la mise en place du traitement substitutif (titration) que de son suivi, le ressenti des troubles pouvant varier considérablement d’un sujet à l’autre pour un même taux de TSH.