Santé publique France publie une première analyse du risque d’émergence du virus Oropouche dans les départements français d’Amérique.

L’infection par le virus Oropouche (ou infection à OROV) est une des causes d’arbovirose les plus importantes en Amérique du Sud après la dengue, avec 2 à 5 millions de personnes directement exposées. Depuis 2023 et 2024, ce virus a étendu sa zone de circulation sous l’influence de l’altération de l’environnement et de la biodiversité, de l’évolution démographique et de la mobilité humaine. 

L’importance et l’extension de cette menace contraste avec les connaissances parcellaires ou peu précises sur le cycle de transmission, des vecteurs et de leur écologie dans ces territoires.

Santé publique France publient une première analyse de risque réalisée en décembre 2024, afin d’évaluer les risques potentiels pour la santé en Guyane et dans les Antilles françaises.

Trois questions à Jean-Claude Désenclos, co-auteur de cette première analyse de risque

Qu’est-ce que l’infection par le virus Oropouche ?

La maladie « Oropouche » est causée par un arbovirus, le virus Oropouche ou OROV. L’OROV appartient au genre viral Orthobunyavirus dont l’ARN est segmenté (comme celui du virus de la grippe), ce qui lui permet de se recomposer par réassortiment pour générer de nouvelles souches virales émergentes.

L’infection par OROV touche à la fois les animaux et les Hommes :

  • en forêt, au sein d’un cycle selvatique, via la transmission par des arthropodes ; 
  • et en milieu périurbain / urbain par transmission interhumaine via des moucherons anthropophiles, principalement Culicoides paraensis (d’autres vecteurs sont discutés, dont Culex quinquefasciatus).

Les espèces hôtes et vectrices qui maintiennent le cycle selvatique d’OROV sont encore mal connues.

La maladie chez l’Homme est caractérisée par des symptômes aigus de type grippaux (fièvre, maux de tête, douleurs articulaires et musculaires…) qui guérissent spontanément en quelques jours. Des complications neurologiques (méningite aseptique) peuvent toutefois survenir. Le diagnostic repose sur un test sanguin (RT-PCR sur un prélèvement pendant les 7 premiers jours de la maladie ou par sérologie).

En absence de ces tests en pratique clinique, la maladie n’est pas reconnue et ses symptômes ne permettent pas de distinguer l’infection à OROV des autres arboviroses. Par conséquent, son importance est très sous-estimée et les épidémies ne sont pas détectées. Il n’existe pas de traitement ou vaccin spécifique contre l’infection à OROV et le traitement est symptomatique.

Pourquoi Santé publique France et ses partenaires ont-ils réalisé une analyse de risque ?

Une analyse de risques permet d’évaluer précocement les dangers émergents, qu'ils soient d'origine infectieuse, environnementale ou liée à des comportements à risque. En évaluant la probabilité et l'impact de ces risques, les autorités sanitaires peuvent prioriser les actions à mener et mettre en place des mesures préventives ou correctives adaptées.

Aussi, les années 2023 et surtout 2024 ont connu une recrudescence épidémique de l’infection par OROV en Amérique du Sud (Brésil, Pérou, Colombie, Bolivie, Guyana puis, en 2025, Venezuela) très supérieure aux années précédentes. Cette recrudescence s’est accompagnée d’une extension des zones de transmission vers le Panama et les Caraïbes (Cuba, La Barbade). De multiples importations via des voyageurs ont aussi eu lieu en Amérique du Nord et en Europe.

Cette vague épidémique est causée par un nouveau sous-lignage du virus Oropouche, issu du réassortiment de plusieurs OROV. Les études conduites lors de la recrudescence épidémique de 2023-2024 ont montré que ce sous-lignage avait été détecté pour la première fois lors de l’épidémie de 2020, dans un village en zone forestière de la Guyane intérieure. Il aurait une meilleure capacité de réplication (et potentiellement de transmission et diffusion) et pourrait échapper plus facilement à la protection conférée par l'immunité acquise lors d'infections passées. De plus, ces études indiquent que l’extension la zone de transmission du virus est liée à l’altération de l’environnement et de la biodiversité, ainsi que l’évolution démographique et de la mobilité humaine.

Pour la première fois lors des épidémies de 2024, des formes sévères avec décès et des cas de transmission materno-fœtales avec malformations congénitales ont été signalés. De même, des syndromes de Guillain-Barré ont été observé à Cuba, et une possible transmission sexuelle et par transfusion sanguines ont été mis en évidence.

Cette situation a conduit Santé publique France à émettre l’hypothèse que l’installation de cycles de transmission du virus dans les départements français d’Amérique (DFAs) devenait possible, voire probable. Une analyse de risque multidisciplinaire a été conduite par Santé publique France et ses partenaires pour préparer une réponse à cette nouvelle menace épidémique.

Quel est le risque de cette maladie aux Antilles et en Guyane ?

L’évolution marquée de l’épidémiologie de l’infection à OROV en Amérique du Sud et dans la Caraïbe en 2023 et 2024 nous a amené à rehausser sensiblement, en août 2024, le risque pour la Guyane et les Antilles françaises par rapport à l’épidémie de 2020. Le rapport de l’analyse concluait en 2024 à un risque d’épidémie élevé en Guyane, Martinique et Guadeloupe (l’incertitude de cette analyse étant forte en Guyane et en Guadeloupe et faible en Martinique).

Les incertitudes demeurent cependant importantes, témoignant des données scientifiques parcellaires à ce jour concernant virus, hôtes et vecteurs, mais aussi leurs interactions.

C’est pourquoi les risques estimés en août et décembre 2024 sont amenés à évoluer. Ils sont fortement dépendants de la situation épidémiologique dans les territoires avec lesquels ont lieu des échanges, nécessitant une veille internationale régulièrement actualisée.

Santé publique France souligne la nécessité de préparer les territoires concernés, notamment en :

  • Préparant le système de soins avec un renforcement des capacités de diagnostic 
  • Améliorant la surveillance et les systèmes d'alerte
  • Développant la protection contre les moustiques
  • Poursuivant les investigations épidémiologiques et entomologiques

En savoir plus :

Quelles sont les mesures de gestion mises en place ?

  • La recommandation de renforcer les capacités diagnostiques a été suivie avec la mise à disposition de diagnostic dans les laboratoires hospitaliers des Antilles (il était déjà possible en Guyane avec le laboratoire associé du CNR des arbovirus) ;
  • le dispositif de surveillance a été adapté afin de faciliter l’identification de cas aux Antilles et en Guyane, avec l’élaboration d’algorithmes et l’accès au diagnostic ;
  • l’Anses a rendu un avis sur les mesures de lutte contre les Culicoïdes, vecteurs principaux du virus Oropouche.

Maladies à transmission vectorielle : des maladies en expansion 

L’expansion des maladies à transmission vectorielle découle aujourd’hui principalement de l’intensification et de la mondialisation des échanges de biens et des mouvements de personnes. Les interactions de l’homme avec son environnement, ainsi que les changements climatiques représentent également des facteurs de propagation de ces maladies.

En savoir plus :

Source : actualité Santé publique France du 23/06/2025