« Je me suis engagée à réduire les déchets liés aux emballages isothermes tout en sécurisant notre approvisionnement en produits de santé thermosensibles »
Dans ce troisième volet des entretiens « Le bon geste », retrouvez le témoignage du Docteur Isabelle Hoareau Ramon, pharmacien praticien hospitalier, cheffe de service de la pharmacie à usage intérieur (PUI) du Groupe Hospitalier Est Réunion (GHER). Avec le support de l’association PharmApprOM, en partenariat avec le fournisseur d'emballages Emball'iso et le laboratoire Janssen, une démarche de récupération des emballages (propres à cette société) a été initiée en Guadeloupe, Martinique et à la Réunion. Le groupement hospitalier de territoire (GHT) de la Réunion participe à la mise en place de ce circuit de réemploi des emballages isothermes, utilisés pour le transport par avion de certains produits de santé. Sécuriser la chaîne du froid, réduire les déchets, faire baisser les émissions de CO2, tels sont les enjeux de cette initiative.
Quelles sont les actions mises en place au sein de votre établissement ?
Une étude publiée en 2022 a montré que 30 réutilisations d’un emballage isotherme généraient 91 % d’émissions de CO2 en moins que 30 usages uniques. En parallèle, le GHT de la Réunion a évalué à près de 87 tonnes par an sa quantité de déchets d’emballages isothermes produits. Or ici, en Outre-mer, les solutions de recyclage manquent cruellement et ces déchets contribuent à la saturation de nos sites d’enfouissement. C’est sur la base de ces deux constats qu’a été mise en place une logistique « retour des emballages isothermes » vers l’Hexagone.
Pourquoi avoir mis en place une telle démarche ?
Le transport aérien réfrigéré des produits de santé soumis à la chaîne du froid vers l’Outre-mer est un véritable défi. Nos produits subissent fréquemment des variations de température durant le transport, ce qui génère un risque avéré de rupture dans nos PUI. Quelques chiffres : au CH Ouest Réunion, 30 % des colis réceptionnés au 1er semestre 2023 étaient en excursion de température et 4 % ont dû être détruits à réception.
L’objectif de cette démarche est donc double : sécuriser notre approvisionnement en produits de santé soumis à la chaîne du froid et limiter notre impact environnemental.
Concrètement, comment cela se déroule-t-il ?
Après retrait des produits de santé, l’emballage est mis de côté et les plaques eutectiques (utilisées pour maintenir une température spécifique à l'intérieur du conteneur isotherme) sont laissées à l’intérieur. La PUI prévient la cellule logistique du fournisseur d’emballage qui s’engage à venir le récupérer dans les 24 à 48h. Le reste du circuit est géré par le fournisseur : son prestataire local récupère les caisses isothermes, les stocke en attendant un transport par voie maritime permettant un retour vers l’Hexagone. À la réception, il assure une remise en conformité et un contrôle qualité avant une nouvelle mise en service de l’emballage.
Quels défis avez-vous à relever dans la mise en place de cette démarche ?
Pour l’instant, un seul laboratoire est engagé dans ce processus. Pour envisager l’extension de l’opération à plusieurs fabricants d’emballages / laboratoires pharmaceutiques, il faudra prévoir une zone de stockage adaptée au volume de cartons à conserver dans l’attente de leur enlèvement. Cette zone devra être à l’abri des intempéries et des nuisibles afin que les emballages restent réutilisables. De plus, si les différents fournisseurs ne se coordonnent pas pour mutualiser leur transport retour, un tri des cartons sera nécessaire, supposant de prévoir des moyens supplémentaires à cet effet.
Quelles retombées positives avez-vous pu constater en impact sur la transition écologique mais aussi sur les équipes ?
Le dispositif étant encore très récent sur l’île de la Réunion, il est aujourd’hui difficile de faire une analyse complète de son impact. Toutefois, un premier bilan fait état de 19 caisses et 114 plaques eutectiques collectées, soit 268 kg de déchets et 640 kg d’émission de CO2 évités. Par ailleurs, le laboratoire partenaire annonce une récupération de 83 % de ses emballages envoyés en Martinique depuis le début du projet.
Côté PUI, nous n’avons observé aucune excursion de température avec les emballages concernés. Cette initiative a également permis une sensibilisation du personnel à l’impact environnemental de nos pratiques quotidiennes et une adhésion positive à cette démarche, avec une volonté d’extension du principe au retour des sondes de suivi des températures.
Quels conseils donneriez-vous à un confrère pour l'inciter à la mise en place de mesures en faveur de l’environnement ?
Patience, résilience, persévérance, professionnalisme et optimisme ! Mon conseil est de démarrer par des mesures qui conjuguent amélioration de nos pratiques professionnelles et impact positif sur l’environnement.