L'Ordre national des pharmaciens observe une hausse significative des agressions subies par les pharmaciens depuis le début de l'année 2020, sur la base des déclarations qui lui sont adressées. L'évolution de ces violences tant physiques que verbales et matérielles a été davantage marquée sur la période du premier confinement. Face à ce constat, l'Ordre a alerté les pouvoirs publics pour assurer au mieux la protection des pharmaciens, en contact direct avec la population.

Les pharmaciens, sont en première ligne de la crise sanitaire, et au plus proche des patients, notamment à l'officine, dans les laboratoires de biologie médicale ou encore en établissement de santé ou en EHPAD.

Dans ce contexte épidémique inédit, l'anxiété générale de la population, exacerbée durant le premier confinement, semble avoir eu des répercussions sur la sécurité des pharmaciens, comme le montre la hausse des violences signalées. En effet, entre janvier et fin novembre 2020, 523 agressions ont été déclarées à l'Ordre par des pharmaciens officinaux, hospitaliers et biologistes médicaux via un formulaire disponible sur un espace réservé du site Internet www.ordre.pharmacien.fr , soit 73% de plus que sur l'année 2019 complète (303 déclarations). Ces signalements proviennent en très grande majorité des pharmaciens d'officine (508 déclarations) de métropole et d'outre-mer.

Si les chiffres recensés par l'Ordre traduisent une situation inquiétante, ils ne sont pourtant pas exhaustifs : le climat d'insécurité sur le terrain est en effet encore plus marqué, et touche particulièrement les laboratoires de biologie médicale, eu égard à leur implication dans la stratégie de dépistage. "Le nombre de déclarations reçues cette année révèle la souffrance de mes confrères, auxquels j'apporte tout mon soutien. Il y a eu autant d'agressions recensées sur les premiers mois de 2020 que sur toute l'année 2019 : je ne peux que le déplorer alors même que les pharmaciens font face à cette crise depuis des mois, au service de la santé publique. Les pharmaciens ne sont pas seuls face à ces situations de détresse : un réseau de conseillers ordinaux référents sécurité est mis à leur disposition et leur apporte écoute et conseils pour les accompagner dans leurs démarches." déclare Carine WolfThal, Présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens.

Des pharmaciens en souffrance

La situation très tendue en officine : cambriolages et agressions

Sur les 508 agressions recensées depuis janvier (dont 14 en outre-mer) 56% correspondent à des injures et des menaces et 44% à des vols. Les déclarations des pharmaciens sont particulièrement concentrées sur les mois du premier confinement (mars à mai), à hauteur de 37% du total (soit 188 déclarations sur 508). La part des injures est d'autant plus importante durant cette période puisqu'elle représente 70% des déclarations (soit 135 sur 188).

Dans une période où les pharmaciens ont été confrontés à une forte demande de masques de protection et de gels hydro-alcooliques, les incivilités liées à la Covid-19 représentent 10% des agressions recensées entre janvier et fin novembre et, là encore, se concentrent entre mars à mai 2020. Par ailleurs, le nombre de vols et de cambriolages a lui aussi explosé durant ces mois particuliers : un quart des vols déclarés se sont déroulés entre mars et mai 2020. Si l'argent liquide reste le premier motif des cambriolages en officine, certaines déclarations font état de vols de masques et de gel.

Dans les laboratoires de biologie médicale

Si les chiffres ne permettent pas de rendre compte de la réalité du terrain (très peu de déclarations à l'Ordre), les remontées des biologistes médicaux soulignent une nette augmentation des agressions, injures et menaces, notamment du fait des files d'attente devant les laboratoires pratiquant les tests de dépistage de la Covid-19.

Des situations localisées

L'Ile-de-France : la région la plus touchée

Avec 111 déclarations déposées, l'Ile-de-France concentre 22% des agressions entre janvier et fin novembre 2020, ce qui fait d'elle la région la plus touchée (contre 15,6% en 2019). Sur ces 111 déclarations, 72% d'entre elles concernent des vols et 28% des agressions. A l'échelle départementale, Paris et l'Oise sont principalement concernés: près d'un tiers des déclarations d'Ile-de-France provient de Paris (34 déclarations), et 25% de l'Oise (28 déclarations). Les régions Hauts-de-France et Occitanie suivent, concentrant respectivement 16% et 12% des déclarations d'agressions.

Une situation critique à Mayotte

La situation à Mayotte est très préoccupante : alors que des Assises de la sécurité ont été organisées en novembre 2020 pour trouver des solutions aux violences urbaines, les professionnels de santé mahorais ont été particulièrement marqués par une violente agression à l'arme blanche commise dans un bus affrété par un hôpital. Sur les 23 officines locales, 13% ont déclaré au moins une agression et 9% en ont déclaré 2. Les pharmacies d'usage intérieur sont particulièrement touchées, puisque sur les 9 déclarations d'agressions déclarées par des pharmaciens exerçant à l'hôpital, en Service départemental d'incendie et de secours (SDIS) ou en Centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA), 5 ont eu lieu à Mayotte.

L'Ordre national des pharmaciens en action pour soutenir les pharmaciens

Soucieux de la sécurité des pharmaciens, l'Ordre a consolidé un réseau départemental de conseillers ordinaux, "référents sécurité", pour apporter une aide et un soutien aux confrères officinaux agressés, qui le souhaitent.

Pour accompagner les biologistes médicaux, quatre conseillers sont mobilisés sur le territoire métropolitain, et les autres métiers de la pharmacie ont chacun un représentant. La liste des "référents sécurité" ainsi qu'une fiche listant les démarches à effectuer en cas d'agression sont disponibles sur l'espace réservé aux pharmaciens du site Internet www.ordre.pharmacien.fr .

A noter que sur le plan judiciaire, l'Ordre a la possibilité de se porter partie civile, au côté du pharmacien victime, en cas de menaces ou de violences commises en raison de l'appartenance à la profession de pharmacien, conformément à l'article L.4233-1 du code de la santé publique.

Ainsi, cette année, l'institution a obtenu gain de cause dans un procès pour des faits de menaces de mort et de violences volontaires à l'encontre d'un pharmacien. La juridiction a condamné l'auteur des violences à une peine de 4 mois d'emprisonnement assortie d'un sursis de 2 ans, complétée d'une interdiction de fréquenter la pharmacie et d'une obligation d'indemniser les victimes.

Par ailleurs, pour contenir les situations d'insécurité et accompagner au mieux les pharmaciens, l'Ordre mène depuis plusieurs années, différentes actions avec les autorités. Par exemple, lorsque plusieurs agressions sont constatées dans un périmètre restreint, il alerte les autorités locales pour renforcer la surveillance et la protection des pharmaciens. Pendant le premier confinement, l'Ordre a renforcé cette coopération, en attirant l'attention du ministère de l'Intérieur et de la préfecture de police de Paris dès la mi-mars sur l'insécurité des pharmacies d'officine et des laboratoires de biologie médicale.

Ainsi, une augmentation des rondes des forces de l'ordre durant les services de garde a été effectuée et un protocole de sécurité mis en place pour améliorer la rapidité de leur intervention. Une nouvelle alerte a été lancée auprès du ministère de l'Intérieur en septembre 2020, concernant l'insécurité dans les laboratoires de biologie médicale.

 Face à la situation mahoraise, les ministères de l'outre-mer et des Solidarités et de la Santé ont été saisis. Les pharmaciens peuvent également bénéficier d'un soutien psychologique en prenant contact avec des confrères bénévoles de l'association ADOP : un numéro vert (0800 73 69 59), accessible 24h/24, 7j/7.

Déclarer les agressions auprès de l'Ordre est essentiel pour ne pas laisser ces actes se banaliser "J'incite vivement les pharmaciens qui seraient victimes d'agressions ou d'incivilités à les déclarer auprès de l'Ordre, afin de lui permettre d'avoir une connaissance au plus proche de la réalité, permettant ainsi d'identifier des leviers pour lutter contre ce fléau. La solidarité reste de mise entre les pharmaciens, d'autant plus en cette période de crise sanitaire qui nous touche tous individuellement. Les conseillers ordinaux départementaux restent à ce titre mobilisés pour porter assistance à leurs confrères victimes d'agressions." , interpelle Alain Marcillac, membre du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens et référent national de sécurité.

L'Ordre national des pharmaciens invite tous les pharmaciens victimes de tout type d'agression à le déclarer au moyen du formulaire disponible sur l'espace pharmaciens du site Internet de l'Ordre. Ces données permettent à l'institution ordinale d'affiner sa connaissance du phénomène et de pouvoir les porter auprès des autorités compétentes, afin de prendre des mesures appropriées.

Comment déclarer ?

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