Dans ce premier volet des entretiens “Le bon geste”, retrouvez le témoignage de Paul Lemarquis, 31 ans, titulaire d’une officine composée de 14 salariés située dans les Landes. Très engagé dans la coopération inter-professionnelle au sein d’une maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) et de la Communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) de l’Adour, il a pu développer différents dispositifs qui permettent de lutter contre la iatrogénie mais également contre la surconsommation et le gaspillage de médicaments, en faveur d’une plus grande sobriété du système de soins.

Quel est votre engagement pour la transition écologique ?

En tant que professionnel du médicament, mon premier engagement écologique est de veiller à une plus juste consommation des produits de santé, en intégrant la pharmacie clinique à mon exercice professionnel. Cela passe par une prise en charge différente des patients, une vigilance vis-à-vis des médicaments potentiellement inappropriés et de la polymédication.

Concrètement, qu’avez-vous mis en place pour parvenir à cette plus juste consommation ?

Au-delà d’actions telles que la dispensation à l’unité ou la préparation des doses à administrer, nous avons mis en place les bilans partagés de médication (BPM) et développé la coopération inter-professionnelle dans l’objectif d’ajuster la consommation de médicaments de nos patients, notamment au regard de leur état physiopathologique. Il m’arrive par exemple de suggérer au médecin de déprescrire un médicament potentiellement inapproprié ou qui entre en interaction avec d’autres. Mais c’est évidemment le médecin qui a le dernier mot.

En tant que pharmacien correspondant, sur mon territoire sous-doté en médecins, je peux renouveler un traitement chronique ou modifier sa posologie, par exemple pour des patients atteints d’hypertension. C'est très encadré : je dois effectuer le suivi régulier du patient et procéder à une prise de tension régulière. De son côté, le médecin doit avoir donné son accord sur l'ordonnance.

D'où l'importance d'une collaboration étroite entre professionnels de santé ?

C'est essentiel ! Les échanges doivent être fluides, rapides et instantanés, basés sur une relation de confiance. La coordination avec d’autres professionnels de santé est indispensable pour un parcours de soins optimisé.

Au sein de la maison de santé de ma commune, nous nous réunissons régulièrement avec les médecins et une partie de la communauté médicale pour débattre sur des cas de prise en charge médicale ou médico-sociale complexes, où le point de vue du pharmacien est essentiel.

C’est par cette confiance que l'on a réussi à mettre en place des protocoles nationaux et locaux sur le diabète, l’hypertension artérielle, la prise en charge des cystites ou angines “simples”.

Pourquoi avoir mis en place ces démarches ?

Déprescrire certains médicaments, c’est éviter les effets indésirables comme les problèmes digestifs ou le risque de chutes, des handicaps qui peuvent être gênants. C’est une démarche appréciée par les patients puisqu’elle facilite leur quotidien. Ils ont moins de médicaments, gaspillent moins, sont plus observants. Nous sommes à leur écoute et, de notre côté, nous avons le sentiment de faire vraiment notre métier ! Nous contribuons ainsi à un meilleur suivi des traitements, à la prévention de la iatrogénie et par là même, à des soins plus éco-responsables.

Quels défis avez-vous eu à relever ?

Pour réaliser avec rigueur et régularité les bilans partagés de médication, j’y consacre plusieurs heures par semaine. La formation que j’ai suivie dans le cadre d’un DU de pharmacie clinique m'a bien aidé.

Il faut également savoir parler aux patients, employer les bons mots et être à l’écoute. Pour y parvenir, nous avons instauré au sein de ma pharmacie une charte de « Bonne conduite », nous invitant à ne pas utiliser certaines expressions comme « Je ne peux pas » ou « Je ne sais pas ». L’idée étant de toujours trouver des solutions grâce aux outils à disposition et la relation de confiance avec les autres professionnels de santé.

Quel conseil donneriez-vous à un confrère pour mettre en place de telles pratiques ?

Foncez ! De nombreuses CPTS se forment sur nos territoires. C’est l’outil idéal pour travailler en coopération, promouvoir notre rôle dans des actions de santé publique locales et avoir une vision plus large de nos métiers et de l’impact de nos actions.

En tant que professionnels de santé, renforcer l’accompagnement et le suivi de nos patients est au cœur de notre métier. C’est d’autant plus essentiel et gratifiant qu’un geste pour la santé de nos patients est aussi un geste en faveur de l'environnement. En intégrant pleinement cette dimension dans la pratique de nos métiers, c’est également une belle façon d’attirer les jeunes qui s’engagent aujourd’hui dans des études de pharmacie et qui cherchent à donner du sens à leur vie professionnelle.

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