Dans ce sixième volet de la série d'entretiens « Le bon geste », retrouvez le témoignage d’Anne Barranx, pharmacienne, conseillère ordinale au Conseil régional de l'Ordre des pharmaciens (CROP) d’Île-de-France, et titulaire depuis 2014 d’une officine à Villiers-sur-Marne (94). Engagée de longue date dans une démarche de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), elle a fait de cette orientation un véritable levier stratégique, tant en interne qu’au bénéfice des patients.

Chasse au gaspillage d’énergie, réflexion sur les plannings pour limiter les transports des salariés, référencement de produits moins polluants, sensibilisation des patients à la récupération des déchets : Anne Barranx et son équipe s’activent chaque jour en faveur d’un exercice professionnel plus respectueux de l’environnement.

Quelles actions concrètes avez-vous mises en place dans votre officine dans le cadre de votre engagement RSE ?

Cela peut sembler anodin mais cela a un impact réel : nous avons agi sur notre maîtrise de la consommation énergétique, en commençant par la suppression des éclairages inutiles, avec l’installation de minuteries, d’interrupteurs à va-et-vient et du remplacement des néons très énergivores par des LED.

Mais l’action la plus structurante reste l’optimisation des trajets domicile-travail de nos collaborateurs, qui se trouve être notre plus grand impact carbone direct. Nous avons repensé les plannings afin de proposer une organisation sur des journées pleines, et d’éviter les déplacements quotidiens pour de courtes vacations. Par ailleurs, nous avons aménagé un espace cuisine convivial et fonctionnel. L’objectif : favoriser la prise des repas sur place dans de bonnes conditions, loin du simple micro-ondes posé sur une paillasse, limitant les allers-retours dans la journée.

Chaque membre de l’équipe reçoit également un bon d’achat mensuel à valoir dans une épicerie locale qui propose des plats conditionnés dans des contenants en verre consigné. C’est une manière de réduire les déchets tout en soutenant les commerces de proximité.

Quels défis avez-vous rencontrés dans la mise en œuvre de cette démarche ?

Il s’agit d’un travail collectif qui mobilise l’ensemble de l’équipe autour de notre référent RSE, un préparateur particulièrement investi. À chaque réunion, nous faisons un point d’étape : tri sélectif dans nos nouvelles poubelles, choix de produits d’entretien moins polluants pour la personne qui fait le ménage, limitation des livraisons quotidiennes de notre grossiste par des achats groupés, sélection de gammes plus respectueuses de l’environnement, etc.

Cette implication demande du temps et de la rigueur, mais nous avons eu la satisfaction de faire partie des 80 officines pilotes ayant obtenu cette année un label de certification RSE spécifique à notre profession. L’émulation entre confrères engagés joue également un rôle moteur.

Pourquoi avoir mis en place une telle démarche ?

Le constat s’est imposé lors d’un congrès de notre groupement. J’y ai pris conscience du décalage entre notre mission de santé publique et notre empreinte environnementale. Nous sommes là pour soigner mais nous ne prenons pas suffisamment soin de la planète. À quoi bon fournir des efforts dans ma vie personnelle si je ne m’engage pas aussi dans ma pratique professionnelle ?

Quelles retombées positives avez-vous constatées sur l’équipe et sur votre organisation quotidienne ?

L’adhésion de l’équipe est forte. En période de tensions sur le recrutement, cette démarche contribue à renforcer l’attractivité de l’officine. Elle donne du sens au travail quotidien. Nous veillons au bien-être de chacun, dans un environnement qui tient compte de leurs contraintes personnelles. Cette attention a contribué à fidéliser les collaborateurs.

Les patients sont également associés à cette dynamique. Nous multiplions les initiatives pour les sensibiliser à la gestion des déchets liés aux médicaments : récupération des déchets d'activités de soins à risques infectieux (Dasri), pompes à insuline, sachets pour capteurs de glycémie… Nous aidons les patients à faire le bon tri lorsqu’ils nous rapportent leurs médicaments non utilisés. L’enjeu environnemental est aussi un enjeu éducatif.

Nous avons par ailleurs mis en place un bac « anti-gaspi » dans lequel nous proposons, des produits proches de la date de péremption ou issus de gammes arrêtées (cosmétiques, dispositifs médicaux, hygiène…). Cela répond à des besoins concrets, notamment pour les patients au budget restreint. Pour l’officine : pas de stockage superflu, pas d’attente pour la reprise par le laboratoire et, à terme, pas de produit jeté.

Quel conseil donneriez-vous à un confrère souhaitant sengager dans cette voie ?

Il faut commencer modestement, lire la presse professionnelle, échanger avec d’autres confrères engagés… Les « petits gestes » initiaux donnent envie d’en faire davantage. Et rapidement, c’est toute la dynamique de l’officine qui s’en trouve transformée. Une fois lancée, l'accompagnement vers la certification est un vrai plus !