Par deux décisions du 28 mars 2023, la chambre de discipline du Conseil national de l’ordre des pharmaciens s’est prononcée sur la responsabilité des titulaires d’officines pour des fautes commises par leurs adjoints.

A la suite d’une erreur de délivrance commise par une pharmacienne adjointe, un nourrisson alors âgé d’un mois a été pris en charge par les services d’urgence d’un centre hospitalier en raison de l’administration de trois doses d’« Abilify », un neuroleptique pour adultes et adolescents de treize ans et plus, indiqué pour le traitement des troubles bipolaires, alors que l’ordonnance remise par le médecin traitant prescrivait un complément alimentaire pour nourrissons, dénommé « Bifibaby ».

Les parents du nourrisson ont formé deux plaintes disciplinaires, enregistrées respectivement les 20 décembre 2019 et 5 mars 2020, contre le pharmacien titulaire de l’officine mise à en cause et la pharmacienne adjointe de cette même officine, à l’origine de l’erreur de délivrance.

Par deux décisions du 10 mars 2021 (CROP Normandie, décision n°AD/06043-2/CR) et du 5 mai 2022 (Conseil central Section D, décision n°AD/06142-2/CC), les chambres de discipline de première instance ont sanctionné le pharmacien titulaire d’une interdiction temporaire d’exercer la pharmacie pendant une durée de trois mois, dont un mois avec sursis ainsi que la pharmacienne adjointe, d’une interdiction temporaire d’exercer la pharmacie pendant une durée de six mois, dont quatre mois avec sursis.

Saisie de deux appels, l’un formulé par le pharmacien titulaire et l’autre par la pharmacienne adjointe, la chambre de discipline du Conseil national, par deux décisions distinctes du 28 mars 2023, a conservé les sanctions prononcées en première instance. La chambre a tenu compte, d’une part, de la nature et de la gravité des faits retenus contre le titulaire, en raison de l’absence de règles de bonnes pratiques de dispensation et d’autre part, de la nature et de la gravité de la faute commise par l’adjointe, au regard des conséquences qu’une telle faute aurait pu avoir sur la santé du nourrisson.

En effet, la chambre de discipline a estimé tout d’abord, que les circonstances tenant notamment aux conditions de travail difficiles au comptoir, à l’absence de l’enregistrement du nourrisson sur la carte vitale de son père, au manque de preuve attestant que la prise du médicament était à l’origine de la dégradation de la santé du nourrisson ou à l’absence, à ce-jour, de séquelles pour celui-ci, n’étaient pas de nature à exonérer la pharmacienne adjointe de sa responsabilité. Ainsi, l’erreur de délivrance commise par l’adjointe constitue une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire (CNOP, décision n°AD/06142-3/CN du 28 mars 2023).

Par ailleurs, elle a jugé que le pharmacien titulaire demeure responsable de l’organisation de son officine et doit, à ce titre, veiller à la qualité des actes de dispensation. Ainsi, en ne mettant pas en place les mesures propres à garantir la qualité de tous les actes pratiqués dans son officine par l’ensemble des personnels autorisés à dispenser, le titulaire a méconnu les dispositions des articles R. 4235-48 et R. 4235-55 du code de la santé publique et a commis une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire (CNOP, décision n°AD/06043-3/CN du 28 mars 2023).