Par un DGS-Urgent complété d'un REPLY du 5 avril 2024, la Direction Générale de la santé (DGS) appelle à la vigilance renforcée de l’ensemble des professionnels de santé concernant la détection précoce de la rougeole et la mise en œuvre des mesures de prévention appropriées en raison d’une augmentation récente du nombre de cas en France et sur le continent européen. Le DGS-Urgent énonce notamment la conduite à tenir pour les pharmaciens en matière de prévention et les biologistes médicaux.

La situation actuelle fait craindre, au vu de la forte contagiosité de la maladie, une diffusion plus large sur le territoire national au cours des mois à venir et aussi à l’approche des grands rassemblements de l’été (Jeux Olympiques 2024).

A. Recommandations sanitaires

  • Le diagnostic clinique de la rougeole doit être évoqué devant tout patient, quel que soit son statut vaccinal, en présence d’une fièvre ≥ 38,5°C associée à une éruption maculo-papuleuse et d’au moins un des signes suivants : conjonctivite, rhinite, toux, signe de Köplik. Les patients sont contagieux 5 jours avant l’apparition de l’éruption.
  • Une confirmation biologique est indispensable préférentiellement par prélèvement oropharyngé et amplification génique par RT-PCR. L’ARN viral étant détectable de quelques jours avant le début de l’éruption jusqu’à environ 10 jours après.

B. Signalement précoce

Tout cas cliniquement évocateur (y compris avant résultats biologiques) doit faire l’objet d’un signalement sans délai au point focal régional de l’Agence Régionale de Santé (ARS) par tout moyen approprié (téléphone, e-mail) ou à l’aide de la fiche déclaration obligatoire même si tous les items n’ont pu être renseignés, ils pourront être complétés par la suite.

C. Mesures d’urgence

En salle d’attente dans un cabinet médical de ville, il convient d’isoler le patient (mise à l’écart des autres patients), limiter ses déplacements au strict nécessaire (et lui faire porter un masque chirurgical) et accélérer sa prise en charge afin d’éviter les contacts avec d’autres malades en salle d’attente.

Des mesures d’éviction sont recommandées pendant toute la période de contagiosité du cas à savoir dès les premiers symptômes jusqu’à 5 jours après le début de l’éruption.

Identifier les personnes à risque de forme grave parmi les contacts proches d’un cas afin de leur proposer des mesures de prophylaxie post-exposition soit par une vaccination avec une dose du vaccin trivalent ROR à réaliser dans les 72h chez les nourrissons de 6 à 11 mois révolus (en respectant les contre-indications habituelles) soit par l’orientation vers une prise en charge hospitalière pour administration d’immunoglobulines polyvalentes dans les 6 jours suivant le contage (contact avec un cas confirmé de rougeole) pour les personnes immunodéprimées, les femmes enceintes, les nourrissons de moins de 6 mois nés de mère non-immune et les nourrissons de 6 à 11 mois n’ayant pas pu être vaccinés dans les 72h suivant le contage.

Vérifier le statut vaccinal de toutes les personnes en contact avec un cas et nées à partir de 1980 en vous assurant que chaque personne a bien reçu deux doses de vaccin contre la rougeole avec un délai minimum d’un mois entre les deux doses ou trois doses pour les personnes ayant initiées leur vaccination avant l’âge de 12 mois et compléter le schéma vaccinal si besoin. Cette vaccination, si elle est réalisée dans les 72 heures qui suivent un contact avec un cas, peut éviter la survenue de la maladie. Elle reste préconisée même si ce délai est dépassé.

D. Mesures de prévention

Dans le contexte de recrudescence attendue dans les prochains mois, nous vous remercions de bien vouloir procéder en routine quel que soit le motif de consultation à la vérification du statut vaccinal de vos patients contre la rougeole selon les recommandations en vigueur du calendrier vaccinal, dans le respect des contre-indications habituelles du vaccin trivalent ROR.

Plus d’informations :

ANNEXE

Situation épidémiologique

  • Sur le continent européen, le bureau régional de l’organisation Mondiale de la Santé (OMS, zone Euro) alerte sur une circulation très active de la rougeole l’année dernière (plus de 40 000 cas en 2023 contre près de 1000 cas en 2022) en particulier en Russie et au Kazakhstan. Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) rapporte de son côté, plus de 2 000 cas de rougeole signalés en 2023 par 30 pays de l’UE/EEE dont une épidémie de grande ampleur déclarée en Roumanie. Compte tenu de la couverture vaccinale sub-optimale pour la deuxième dose < 95% dans la majorité des pays de l'UE/EEE, l’ECDC s'attend à ce qu'il y ait davantage de cas de rougeole dans les mois à venir.
  • La France, après une période de quasi-élimination de la rougeole en 2022, est confrontée à une hausse importante du nombre de cas. D’après le bilan publié par Santé publique France (SpF), un total de 117 cas de rougeole ont été notifiés en 2023 (contre 15 cas en 2022) avec notamment la survenue de plusieurs foyers de transmission active dont la plupart étaient liés à une importation. Malgré une couverture vaccinale maintenue à un niveau élevé chez les nourrissons, du fait de l’obligation vaccinale, celle-ci n’atteint pas encore l’objectif pour éliminer la maladie (c’est-à-dire au moins 95% à deux doses).

Vaccination

Dans le contexte de recrudescence attendue dans les prochains mois notamment en lien avec des séjours à l’étranger, nous vous remercions de bien vouloir procéder à la vérification du statut vaccinal contre la rougeole et le cas échéant à la mise à jour des vaccinations de vos patients selon les recommandations en vigueur du calendrier vaccinal dans le respect des contre-indications habituelles du vaccin trivalent ROR.

  • Toute personne née depuis 1980 doit avoir reçu deux doses de vaccins contre le ROR avec un délai d’au moins un mois entre les deux doses quels que soient les antécédents vis-à-vis des trois maladies.
  • Pour toute personne née avant 1980, non vaccinées et sans antécédent connu de rougeole, la vaccination avec une dose de vaccin trivalent ROR est fortement recommandée, sans contrôle sérologique préalable, pour les professions de santé ou toute personne exerçant dans les services accueillant des patients à risque de rougeole grave (immunodéprimés), au contact des enfants ou exposées au contact d’un cas de rougeole.
  • La vaccination contre la rougeole peut être prescrite et administrée à tout public par un médecin ou une sage-femme. Elle peut aussi être prescrite aux personnes de plus de 11 ans, sauf aux personnes immunodéprimées, par un pharmacien ou un infirmier.

Tests et échantillons biologiques

  • Le ministère rappelle l’importance de réaliser des prélèvements adaptés à la recherche du génome du virus de la rougeole par amplification (RT-PCR) pour une confirmation diagnostique dès les premiers jours de la phase éruptive ainsi que pour la surveillance virologique : échantillons salivaires prélevés sur kit salivaire Oracol©, prélèvements nasopharyngés ou autres prélèvements respiratoires, urinaires. L’ARN viral est en effet détectable de quelques jours avant le début de l’éruption jusqu’à environ 10 jours après. La recherche d’IgM salivaire (Kit Oracol©) ou sérique, est également possible. Cette recherche ne doit être réalisée qu’à partir du 3e jour après le début de l’éruption pour éviter les résultats faux négatifs. Dans tous les cas, ces prélèvements ne doivent pas retarder le signalement précoce à l’ARS ni la mise en œuvre des premières mesures urgentes.
  • Pour rappel, la surveillance génomique est indispensable pour des cas sporadiques en particulier chez les personnes récemment vaccinées (7-14j) et pour les personnes de retour d’un séjour à l’étranger dans les 7-18 jours précédant l’éruption ainsi qu’en situation de cas groupés ou de flambées épidémiques afin d’identifier le génotype circulant. La collecte d’échantillons destinés au Centre National de Référence (CNR) pour typage génétique est fortement recommandée pour ces situations.
  • Le ministère rappelle à ces titres que des kits salivaires dédiés (Oracol©) sont disponibles sur demande auprès des ARS. Ils sont, en priorité, destinés aux praticiens de ville ainsi que dans les services d’accueil d’urgences, en particulier de pédiatrie. Ils ont été prévus pour venir en appui aux méthodes de diagnostic habituelles. Ils sont à privilégier pour tout cas suspect pour lesquels le caractère non invasif du prélèvement facilitera son adhésion ou pour lesquels l’accès à un laboratoire de biologie médicale présente des difficultés.

La marche à suivre diagnostique et à visée génomique est rappelée sur le site du CNR.

Figure 1 : évolution clinique et biologique

evolution clinique et biologique.png

Source : INSTRUCTION N° DGS/SP/SP1/2018/205 du 28 septembre 2018 relative à la conduite à tenir autour d’un ou plusieurs cas de rougeole

Figure 2 : échantillons biologiques

échantillon biologique.png

Source : CNR des virus de la rougeole, rubéole et oreillons - CHU Caen Normandie (chu-caen.fr)

Source :

DGS-Urgent N°2024_04 Rougeole