Cahier thématique n°20 - Lutte contre l’antibiorésistance, tous engagés
03. LES PHARMACIENS ENGAGÉS DANS LA LUTTE CONTRE L'ANTIBIORÉSISTANCE
Les pharmaciens de PUI - Un rôle clé dans la maîtrise de l’antibiorésistance en établissements de santé
13/07/2022

Contribuer à la gestion du risque infectieux au plus près de la clinique
Les pharmaciens de PUI sont des acteurs essentiels de la maîtrise du risque infectieux, jusqu’au sein des services de soins de l’établissement de santé, par leur connaissance de la pertinence et des limites des antibiotiques, et de leurs éventuels effets indésirables. Leur présence dans les équipes multidisciplinaires en antibiothérapie (EMA), qui se mettent en place progressivement, y contribue. Tout comme leur participation aux réunions de concertation multidisciplinaires (RCP) organisées dans les secteurs les plus concernés par ce risque (réanimation, chirurgie, oncologie, diabétologie…).
Mettre en œuvre la politique d’antibiothérapie
Quelles que soient la taille et l’organisation de l’établissement de santé, les pharmaciens de PUI participent systématiquement à la commission des anti-infectieux (CAI). Généralement,
la commission (ou conférence) médicale d’établissement (CME) délègue ses attributions en matière de bon usage des antibiotiques (BUA) à la commission des anti-infectieux, qui agit en interaction avec les autres instances stratégiques de l’établissement de santé : commission qualité et sécurité des soins, commission du médicament et des dispositifs médicaux stériles (Comedims), comité de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN)…
- La commission des anti-infectieux assure plusieurs missions importantes pour la lutte contre l’antibiorésistance, dont :
la production de protocoles d’antibiothérapie (y compris à titre prophylactique), correspondant aux différentes situations cliniques rencontrées dans les services de l’établissement de santé. Réalisés principalement à partir des recommandations de la SPILF (51) et en prenant en compte les outils d’aide à la prescription disponibles (e-POPI, par exemple), ils font l’objet d’une validation collégiale (cliniciens, infectiologues, microbiologistes, pharmaciens de PUI, hygiénistes) ; - le suivi des consommations d’antibiotiques ;
- la réalisation d’audits, en lien avec l’agence régionale de santé (ARS) et le CPias. Ces travaux visent à dégager des pistes d’amélioration, en ciblant notamment certains antibiotiques particulièrement générateurs de résistance ou coûteux.
(51) Société de pathologie infectieuse de langue française.
Suivre les données de consommation d’antibiotiques
Grâce à l’outil ConsoRes, les pharmaciens de PUI réalisent une surveillance en réseau, dans le cadre des missions nationales PRIMO et SPARES. Ceci permet à chaque pharmacien d’analyser la situation de son établissement de santé, de se comparer, de dégager des axes d’amélioration, voire des mesures correctives en cas d’éventuels mésusages.
Garder le malade au cœur du travail en équipe
Morgane Bonnet-Ethgen,
pharmacien hospitalier au CHU de Reims
En participant, trois fois par semaine depuis plus d’un an, aux travaux de l’équipe multidisciplinaire en antibiothérapie (EMA) dans quatre services de médecine, de chirurgie et de réanimation, je constate que la demande des équipes soignantes monte en puissance. Elle témoigne de vraies attentes sur des sujets aussi divers que la traçabilité et la réévaluation du traitement anti-infectieux, la iatrogénie de certains antibiotiques (linézolide, daptomycine, notamment) ou la formation des internes.
Le travail en commun des professionnels est donc fondamental, ainsi que la place
du patient. Depuis 2014, nous nous efforçons de généraliser l’entretien pharmaceutique avec le malade et, lors de son retour au domicile, un courrier est adressé à son pharmacien d’officine. En parallèle, un contact téléphonique régulier est établi, en particulier pour évaluer l’observance du traitement antibiotique. Pour l’anecdote, la plupart des patients ignoraient qu’il y avait des pharmaciens à l’hôpital, mais ils en semblent très satisfaits !
Une perception des soignants qui évolue
Jean-Louis Talansier,
pharmacien-gérant des Hôpitaux privés de Metz
Arrivé dans l’établissement en 2013, j’ai travaillé en lien avec le CLIN et le réseau régional d’infectiologie, lors de la mise en place du premier plan de bon usage des antibiotiques.
Je mesure le chemin parcouru, tant en matière d’outils que de compétences, car, à l’époque, il n’y avait pas d’infectiologue dans cet établissement de santé pour contribuer à nos travaux. D’un point de vue qualitatif, je constate qu’une collaboration forte entre les différents praticiens (cliniciens, pharmaciens, microbiologistes et hygiénistes) est la clé de l’optimisation des traitements des patients et de l’amélioration des pratiques.
Prendre en compte les spécificités du secteur médicosocial
Philippe Benoît,
pharmacien hospitalier au CHU de Reims, conseiller ordinal de la section H (représentant les pharmaciens des établissements de santé ou médicosociaux et des services d’incendie et de secours) et membre du groupe de travail BUA et de la mission PRIMO
Mettre au point des indicateurs adaptés à la problématique des Ehpad a été une des réflexions prioritaires que nous avons menées au sein des groupes de travail PRIMO. Le travail a consisté à intégrer à la fois
des données quantitatives, telles que celles de l’Assurance maladie, et des données qualitatives portant sur des situations spécifiques des Ehpad, puis de définir, par des calculs statistiques, des “proxy-indicateurs”.
Pour prendre un exemple concret, on peut caractériser le recours à certains antibiotiques, adaptés ou non,
pour des infections urinaires chez l’homme en Ehpad, qui représentent parfois de véritables foyers épidémiques, par comparaison avec le nombre total des prescriptions faites dans cette indication. Ces indicateurs sont des outils de prévention et d’amélioration du bon usage des antibiotiques.