Cahier thématique n°21 - Les pharmaciens et le défi du grand âge
03. LES PHARMACIENS : UN RÔLE CLÉ EN FAVEUR DU "VIEILLIR EN SANTÉ"
Conseiller, vacciner, dépister
17/04/2023

Le rôle des pharmaciens en matière de conseil, prévention et accompagnement des patients s’est particulièrement renforcé ces dernières années. Les missions confiées se sont progressivement élargies, notamment dans le cadre conventionnel. Les personnes âgées en sont les premières bénéficiaires.
Délivrance de conseils de prévention personnalisés
À l’occasion de la dispensation de médicaments ou de la réalisation d’un examen de biologie médicale, le pharmacien délivre des conseils personnalisés en vue de :
- prévenir les maladies (nutrition, activité physique régulière, arrêt du tabac, recommandations vaccinales, prévention solaire…), les risques liés aux fortes chaleurs (comme la déshydratation) et les chutes (33) (aides techniques à la mobilité, aménagement du domicile) ;
- promouvoir le bon usage des produits de santé (médicaments, appareils d’automesure…).
Il sensibilise les personnes âgées à l’importance de continuer à se faire dépister régulièrement contre certains cancers (côlon-rectum et sein, en particulier).
(33) Autonomie des personnes âgées : comment prévenir les chutes ? Cespharm, décembre 2022.
En savoir + : www.Cespharm.fr > Catalogue > Thème « Personne âgée ».
L’officine, le laboratoire de biologie médicale, la pharmacie à usage intérieur, espaces privilégiés pour relayer les campagnes de prévention
Les pharmaciens relaient les campagnes nationales de santé publique ciblant les personnes âgées par des affichages en vitrine et dans les zones d’attente du public et la diffusion d’outils d’information et de communication : campagne de vaccination contre la grippe saisonnière, Semaine nationale de la dénutrition, campagne de prévention des chutes ou des risques liés aux fortes chaleurs, etc. Ces campagnes sont une occasion supplémentaire de délivrer des messages de prévention aux personnes âgées et à leurs aidants.
Vacciner, une opportunité supplémentaire d’accompagnement des seniors
La vaccination requiert une attention particulière chez les personnes âgées pour deux raisons :
- le vieillissement de l’organisme touche aussi le système immunitaire (immunosénescence), avec une baisse de la réponse vaccinale qui nécessite d’augmenter la fréquence des rappels ;
- le risque de contracter une infection et de présenter des complications graves en cas d’infection (grippe et Covid-19, par exemple), est accru chez les personnes âgées, d’où l’importance de les protéger par la vaccination.
À ce jour, les pharmaciens d’officine formés peuvent administrer aux personnes âgées certaines vaccinations, notamment contre :
- la grippe saisonnière (tous les ans) ;
- la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite (à raison d’un rappel DTP tous les 10 ans) ;
- la coqueluche (dans le cadre de la stratégie du cocooning, si la mère n’a pas été vaccinée pendant sa grossesse).
Pour rappel, l’arrêté modifié du 1er juin 2021 relatif aux mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé maintenues en matière de lutte contre la Covid-19 permet également aux pharmaciens habilités exerçant dans les officines, les laboratoires de biologie médicale (LBM) et les pharmacies à usage intérieur (PUI) de vacciner les personnes âgées contre la Covid-19.
La loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2023 (article 33) élargit les compétences de prescription et d’administration des vaccins au sein des pharmacies d’officine, des pharmacies à usage intérieur (PUI) et des laboratoires de biologie médicale (LBM). La liste des vaccins concernés, les personnes habilitées et les conditions requises seront précisées prochainement par arrêtés et décrets en Conseil d’État.
Des dépistages plus précoces
Le biologiste médical joue un rôle essentiel dans le dépistage de diverses pathologies fréquentes du grand âge : cancer de la prostate, diabète, dyslipidémie, insuffisance rénale chronique, infections (dont la Covid-19). Il contribue aussi au dépistage des complications liées au diabète (mesure de l’hémoglobine glyquée recommandée au moins deux fois par an, bilan lipidique et rénal préconisé tous les ans). À noter, l’évolution vers une biologie de scores prédictifs qui, à partir de paramètres courants et de critères complémentaires (poids, âge, sexe…), permettent d’évaluer le risque de survenue d’une pathologie : score PINI (34) de dénutrition, score FIB 4 de fibrose hépatique… Le recours à des algorithmes informatiques participe également à cette piste de progrès.
Le pharmacien d’officine peut aussi prendre part au dépistage :
- d’une glycémie anormale, uniquement dans le cadre d’une campagne de prévention du diabète, via la réalisation d’un test capillaire d’évaluation de la glycémie ;
- de certaines maladies infectieuses : angines à streptocoque A, grippe, Covid-19 (à titre dérogatoire), via la réalisation de TRODs (35) .
De plus, il peut remettre un kit de dépistage du cancer colorectal aux femmes et aux hommes âgés de 50 à 74 ans asymptomatiques et sans facteur de risque particulier, après en avoir contrôlé l’éligibilité et sous réserve d’avoir suivi une formation.
(34) Pronostic Inflammatory and Nutritionnal Index.
(35) Test rapide d’orientation diagnostique
Le dépistage et la prise en charge de la dénutrition
Le point de vue de la professeure Agathe Raynaud-Simon, service de gériatrie du groupe hospitalier Beaujon-Bichat-Bretonneau, membre du collectif de lutte contre la dénutrition.
« Grâce à sa proximité avec les patients âgés, le pharmacien d’officine peut non seulement identifier facilement des signes de dénutrition, mais aussi contribuer efficacement à leur traitement. Par ailleurs, dans le cadre de la Semaine nationale de la dénutrition, un ensemble d’outils est mis à disposition pour aider à sensibiliser et à prendre en charge cet état pathologique*.
Le diagnostic de dénutrition est souvent simple, car il repose sur des critères cliniques : l’association d’un critère phénotypique et d’un critère étiologique**.
Critères phénotypiques (un seul critère positif suffit) :
- perte de poids ≥ 5 % en un mois ou ≥ 10 % en six mois ou ≥ 10 % par rapport au poids habituel avant le début d’une maladie ;
- IMC (indice de masse corporelle) < 22 kg/m² ;
- réduction de la force (cinq levers de chaise en plus de 15 secondes, diminution de la force de préhension) et de la masse musculaire (circonférence du mollet < 33 cm chez l’homme
et < 32 cm chez la femme, maigreur visuelle…).
Ensuite, le bilan complète ce diagnostic par la recherche de critères étiologiques : un seul suffit, mais la dénutrition est souvent multifactorielle chez la personne âgée (réduction de la prise alimentaire, pathologies aiguës ou chroniques, situations d’agression, plus rarement troubles de l’absorption digestive).
Une fois les mesures de renutrition mises en place, le pharmacien peut apporter ses connaissances et conseils de bon usage des compléments de nutrition orale (CNO). Malgré une efficacité démontrée, y compris pour prévenir le risque d’hospitalisation***, il est souvent nécessaire d’adapter plus finement le choix des CNO aux habitudes, régimes alimentaires et pathologies éventuelles des patients. »
* www.cespharm.fr/prevention-sante/actualites/2022/semaine-nationale-de-la-denutrition-du-18-au-25-novembre
** HAS. Diagnostic de la dénutrition chez la personne âgée de 70 ans et plus. Saint-Denis, novembre 2021.
*** Seguy D et al. Compliance to oral nutritional supplementation decreases the risk of hospitalisation in malnourished older adults without extra health care cost: Prospective observational cohort study. Clin Nutr. 2020 ; 39(6) : 1900-7.
La mission de conseil du pharmacien peut en faire un « leader » d’information pour la prévention des chutes.
Christine Abrossimov,
administratrice générale des ministères sociaux et coordonnatrice nationale du Plan antichute des personnes âgées
Sur les cinq axes du plan antichute*, je vois des opportunités d’intervention du pharmacien, quasiment à tous les niveaux.
Du fait de sa relation de proximité et de confiance avec les personnes âgées, c’est d’abord par le repérage du risque de chute qu’il peut alerter précocement. Ceci d’autant plus qu’il peut avoir connaissance de facteurs de risque particuliers, tels que la consommation de psychotropes.
Le bilan partagé de médication est d’ailleurs une bonne occasion pour évaluer le risque de chute avec la personne âgée. Plus globalement, la mission de conseil du pharmacien concerne aussi la nutrition, l’activité physique, les aides techniques, ainsi que tous les traitements médicamenteux à risque de chute ou à but préventif. Depuis le lancement du plan antichute au mois de février 2022, les pharmaciens ont apporté plusieurs contributions régionales, via les ARS et les Unions régionales des professionnels de santé (URPS), notamment quant au suivi des personnes âgées polymédiquées.
* 1- Repérer, alerter ; 2- Aménager son logement ; 3- Aides techniques ; 4- Activité physique ; 5- Téléassistance
N’hésitons pas à nous engager dans une démarche pour « aller vers » les seniors.
Hervé Zibi,
pharmacien titulaire d’officine, conseiller ordinal de la section A (représentant les pharmaciens titulaires d’officine), qui exerce en région parisienne

Je vois trois axes prioritaires d’intervention et de progrès pour les pharmaciens en faveur des personnes âgées :
- le traitement de l’ordonnance : elle est non seulement le temps de base de notre analyse pharmaceutique, mais elle permet aussi de s’assurer de la compréhension, de l’observance ;
- les divers conseils de prévention que nous pouvons apporter à cette occasion, toujours en lien avec les autres professionnels de santé. Les CPTS sont une opportunité à exploiterpour ce travail en synergie ;
- la visite au domicile, qui permet de voir quelles sont les conditions réelles de vie et l’utilisation des médicaments au quotidien. Il s’agit d’un moment de contact privilégié et, pour les personnes âgées, la possibilité de rompre leur isolement. Très souvent, elles sont étonnées d’apprendre que ma visite se fait en parfaite coordination avec leur médecin traitant !
En prenant toujours soin de ne pas être intrusifs, capitalisons sur la confiance que nous témoignent généralement les personnes âgées pour enrichir
le dialogue et prendre en compte leurs habitudes de vie. Lors d’épisodes de canicule, je leur dis volontiers « Passez me voir à la fraîche » pour pouvoir parler plus confortablement avec elles des précautions indispensables qu’elles doivent prendre.