Le concept d’intelligence artificielle (IA), apparu dans les années cinquante, est un ensemble de techniques visant à imiter l’intelligence humaine. Alan Turing, connu pour avoir décrypté Enigma pendant la seconde guerre mondiale, se demandait déjà si une machine pouvait « penser » et proposa le « jeu de l’imitation » : faire en sorte qu’une machine tente de se faire passer pour un humain en répondant à des questions à l’écrit. Aujourd’hui, l’IA est intégrée à diverses technologies telles que la reconnaissance vocale, la robotique, l’impression 3D, et bien d’autres encore… Elle s’impose désormais comme un incontournable, et le secteur de la santé ne fait pas exception. Cependant, l’intelligence artificielle pose un défi complexe, mêlant éthique, législation, technologie et adaptation aux besoins du système de soins, en vue d’assurer une qualité de soins toujours plus élevée.

À l’heure où les données prennent de plus en plus d’importance dans le domaine de la santé, que ce soit pour les dossiers médicaux, les comptes rendus, les programmes de recherche… le développement de l’IA permet de les analyser et de les croiser à la fois plus rapidement et plus précisément. Elle devient alors, pour le professionnel de santé, un outil d’aide à la décision diagnostique et thérapeutique qui peut être utilisé tant pour la médecine prédictive que pour faciliter l’analyse d’imagerie médicale, ou encore pour surveiller l’état des patients. Enfin, l’IA représente aussi une véritable opportunité pour développer l’accès aux soins dans les zones rurales.

En pharmacie, l’IA s’invite dans de nombreuses applications, parfois même de manière inattendue ! Elle peut être intégrée notamment dans des logiciels d’aide à la prise de décision pharmaceutique, dans ceux qui facilitent la gestion des stocks, ou encore dans ceux qui permettent à l’industrie de faire avancer l’innovation thérapeutique… Et tous ces outils sont amenés à se développer très largement pour répondre aux enjeux de la santé de demain !

Cependant, alors que ces systèmes d’IA sont de plus en plus intégrés dans les pratiques, leur utilisation soulève un certain nombre d’interrogations : quelles sont les limites ? Comment l’IA peut-elle être mise au service des professionnels de santé et des patients, sans remplacer l’humain ? Comment protéger les données des patients ? Les propositions et choix que font les IA sont-ils humainement acceptables et adap­tés ? Les acteurs de santé, les institutions et les juridic­tions s’accordent à dire que le recours à l’IA doit être réglementé.

En juin 2021, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) érigeait déjà cinq grands principes :

  1. Protéger l’autonomie de l’être humain ;
  2. Promouvoir le bien-être et la sécurité des personnes ;
  3. Garantir la transparence ;
  4. Encourager la responsabilité et l’obligation de rendre des comptes ;
  5. Garantir l’inclusion et l’équité.

Consciente des enjeux, l’Union européenne a approuvé début 2024 la première réglementation mondiale de l’intelligence artificielle, avec l’adoption du règlement européen sur l’IA (voir article "Règlement européen sur l'IA : première réglementation au monde des usages d'IA") qui propose de réguler les usages et risques qui découlent de son utilisation, avec, à la clé, un principe de garantie humaine appliqué aux systèmes d’IA en santé.

Aussi, cette première partie du cahier abordera les définitions de l’IA et l’utilisation des données, avant de se concentrer sur les aspects réglementaires et éthiques de cette technologie qui s’impose, d’ores et déjà, comme une véritable révolution dans tous les domaines.