Cahier thématique n°23 - IA en santé, entre promesses et prudence
02. Les applications de l’IA dans les différents métiers de la pharmacie
Introduction
25/07/2024

L’IA est déjà présente dans un certain nombre de solutions pour accompagner les missions et actions des professionnels de tous les métiers de la pharmacie, et est appelée à se développer davantage. Comment pourra-t-elle automatiser certaines tâches et processus et appuyer le pharmacien, en gardant à l’esprit que l’expertise et le jugement humain ainsi que son empathie seront toujours essentiels auprès du patient ? Comme à l’orée de toute révolution technologique, les questions restent nombreuses, mais des pistes concrètes d’apport de l’IA se dessinent dans tous ces métiers.
Augmenter et renforcer le rôle des pharmaciens
Les questionnements récurrents des confrères avaient été évoqués en janvier 2024 par Lars-Åke Söderlund, vice-président de la Fédération internationale pharmaceutique : en quoi la digitalisation affectera nos stratégies et notre façon de travailler ? Aura-t-on encore besoin de pharmaciens quand l’intelligence artificielle aura « pris le relais » ? Il rassure : « L’IA doit être combinée à l’expertise humaine pour des soins plus réactifs et plus personnalisés. Elle doit permettre d’accomplir des tâches avec plus de précision et de rapidité, mais vous restez maîtres de la situation. »
Parmi les évolutions prévisibles des métiers de la pharmacie en lien avec l’IA, le groupe de travail de la FIP souligne d’ailleurs un renforcement des activités cliniques et du temps passé à conseiller le patient, grâce au gain de temps permis par une IA effectuant certaines tâches en routine. Il évoque également l’engagement croissant du pharmacien auprès des patients pour les guider et les aider dans leur utilisation de plus en plus importante d’outils digitaux. Les pharmaciens prendront des décisions cliniques avec l’aide de l’IA (analyse des données patients, suggestions d’options de traitements, alertes…). L’essor des services à distance permettra, à terme, un meilleur accès aux soins, ainsi que la personnalisation accrue des traitements et l’aide à la gestion de maladies chroniques complexes. Son exploitation aidera à la découverte de médicaments grâce aux mégadonnées, mais il faudra « une formation continue sur les technologies émergentes », note enfin Lars-Åke Söderlund.
Patrick Mazaud, conseiller ordinal et responsable du numérique en santé du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens
« L’intégration de systèmes d’IA dans nos métiers est une tendance, un investissement bénéfique et nécessaire. Mais il n’y a pas d’intelligence artificielle sans mégadonnées. C’est pourquoi, il faut un vrai contrat de confiance sur leur usage, non seulement avec les pharmaciens mais aussi entre les pharmaciens et les patients. Le professionnel de santé doit pouvoir expliquer à son patient quelle est la finalité des collectes de données. En usage primaire*, c’est implicite, puisqu’il s’agit de mieux soigner. Les explications sont moins aisées en usage secondaire, notamment dans le cadre de la recherche.
Aussi, pour rassurer les patients, un grand pas a été franchi avec le Règlement sur l’Espace européen des données de santé, avec une nécessité accrue de cyberprotection comme dans tous les domaines touchant au numérique. Quant aux données « métiers », certains confrères pourraient craindre une perte d’indépendance. Or, ils doivent avoir conscience qu’ils utilisent déjà des systèmes d’IA, par exemple dans
le télésuivi de patients.
Il nous faut démystifier le sujet et valoriser les immenses quantités de données recueillies par les pharmaciens pour optimiser la prise en charge des patients. Nous devons nous assurer et obtenir la garantie que nous serons toujours maîtres - et responsables - des prises de décisions. Nous sommes d’ailleurs bien placés, avec le Dossier Pharmaceutique, pour voir que les confrères acceptent de collecter des données et de les partager pour travailler en réseau et dans la perspective d’un service en retour, à l’image du DP-Ruptures.
Je suis convaincu que le pharmacien est susceptible de mieux accepter l’IA lorsqu’il en perçoit la finalité. Je pense spontanément à une gestion plus anticipée et plus fine des situations de ruptures d’approvisionnement ou à l’analyse du parcours de santé des patients, de leurs besoins de prévention.
Les systèmes d’IA ne constitueront finalement qu’une nouvelle gamme d’outils utile au service des professionnels et des patients. »
* Les données « primaires » sont celles utilisées dans le but primaire de leur récolte. A contrario, les données « secondaires » sont utilisées dans un but différent.