Afin de lutter contre les ruptures de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), des règles renforcées s’appliquent aux industriels, avec l’obligation de chercher un repreneur en cas d’arrêt de commercialisation d’un médicament qui ne fait plus l’objet d’une protection au titre des brevets. Les spécialités, dont la commercialisation est stoppée à la suite d’une rationalisation de portefeuille et pour lesquelles une forme équivalente est maintenue, ne sont pas concernées par cette obligation (la déclaration à l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) reste, en revanche, nécessaire).

Quel est le cadre légal et réglementaire ?

Dans le but de lutter contre les pénuries de médicaments essentiels, le décret n° 2025-760 a été publié le 5 août dernier au Journal officiel, en application de l’article L. 5126-4 du code de la santé publique (CSP), modifié par la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2024. Il confère à l’ANSM des pouvoirs de police sanitaire, afin de garantir un approvisionnement approprié et continu du marché par les titulaires d’autorisations de mise sur le marché (AMM) et les exploitants.

De nouvelles obligations s’imposent aux industriels qui envisagent l’arrêt de la commercialisation d’un MITM n’étant plus sous brevet.

Concrètement, qu’est-ce que cela implique pour les industriels ?

  • Les industriels sont tenus de déclarer auprès de l’ANSM, au moins un an à l’avance, la décision de suspendre/cesser la commercialisation d’un produit, afin d’assurer la continuité des soins au bénéfice des patients.
  • Ils doivent rédiger leur déclaration selon un modèle défini par l’ANSM, et sont tenus de préciser quels sont les impacts sanitaires potentiels de cette suspension/cessation de commercialisation pour les patients.
  • Ils ont également l’obligation de décrire les alternatives thérapeutiques disponibles.
  • Dans le cas où celles-ci ne permettraient pas de couvrir les besoins des patients, les industriels sont contraints de rechercher une entreprise pharmaceutique pour assurer la reprise effective de l’exploitation du médicament en question, et de publier, sur leur site Internet, leur intention de concéder l’exploitation de leur produit. Cette adresse Internet est communiquée par le laboratoire à l’ANSM, qui met également en ligne l’information sur son site Internet. Le titulaire de l’AMM doit donner accès aux informations nécessaires aux entreprises candidates à la reprise.
  • Dans un délai maximum de neuf mois, ou dès lors qu’il envisage de retenir une entreprise, le titulaire de l’AMM doit remettre un rapport à l’ANSM selon un modèle défini, précisant les actions engagées, les offres reçues et les suites données, ainsi que la capacité d’approvisionnement de l’entreprise candidate.

Quel est le rôle des autorités de santé ?

C’est l’ANSM qui notifie (dans un délai de deux mois après la réception de l’intention d’arrêt de commercialisation) au titulaire de l’AMM son obligation de chercher un repreneur, si elle estime que, sur la base d’une analyse médicale, les alternatives identifiées ne permettent pas de couvrir le besoin des patients de manière pérenne.

Par ailleurs, elle peut demander au titulaire d’AMM de compléter le rapport qui lui est adressé sur la reprise éventuelle de l’exploitation du produit, selon des délais qu’elle fixe elle-même.

En l’absence de repreneur identifié à la remise du rapport ou si le besoin ne peut être couvert de manière pérenne, l’ANSM peut, dans un délai d’un mois, demander la concession d’exploitation et de fabrication à titre gracieux à un établissement pharmaceutique public qu’elle désigne, afin d’assurer la continuité d’approvisionnement. Le titulaire d’AMM dispose d’un mois pour répondre à cette obligation.

QUELLES CONSÉQUENCES POUR LES PHARMACIENS DISPENSATEURS ?

Tenus d’assurer la continuité des soins auprès des patients qu’ils suivent, les pharmaciens dispensateurs, à l’officine et dans les établissements de santé, se tiennent informés des risques de rupture de MITM (consulter la disponibilité des produits de santé sur le site de l’ANSM) et des alternatives thérapeutiques envisageables.

Au sein des pharmacies à usage intérieur (PUI), la réponse prioritaire à une rupture d’approvisionnement consiste à mettre en œuvre, en lien avec les prescripteurs, des alternatives thérapeutiques adaptées. La réalisation de préparations hospitalières spéciales (PHS) n’est envisageable qu’à titre exceptionnel, dans le cadre de situations de rupture avérée, et uniquement pour les établissements disposant des autorisations réglementaires nécessaires, notamment la conformité aux bonnes pratiques de préparation (BPP). Cette possibilité reste, à ce stade, conditionnée à la parution des arrêtés d’application.

Au sein des officines, certaines d’entre elles peuvent, de manière exceptionnelle et temporaire, être autorisées, sur décision du ministre chargé de la Santé, à réaliser ou dispenser des préparations officinales spéciales, lorsque celles-ci constituent une solution alternative en cas de rupture. Il s’agit des officines autorisées par l’agence régionale de santé (ARS).

À noter que la dispensation à l’unité peut être rendue obligatoire par le ministre de la Santé, de même que le recours à l’ordonnance conditionnelle.