Le Conseil de l’Union européenne vient d’adopter une recommandation pour que les États membres renforcent leurs actions de manière coordonnée et dans une perspective « une seule santé ».

La recommandation a été annoncée le 26 avril 2023, en même temps que les propositions de la Commission européenne pour une révision profonde de la législation pharmaceutique. Elle a été approuvée par l’ensemble des ministres de la Santé de l’Union, réunis sous présidence suédoise le 13 juin.

On estime que, dans l’Union européenne (UE), 35 000 décès par an sont directement liés à la résistance aux antimicrobiens (RAM), représentant une charge financière de 1,1 milliard d’euros pour les systèmes de santé. Pour y faire face, la recommandation comprend un ensemble de propositions concrètes, qui s’inscrivent dans une stratégie globale « Une seule santé », compte tenu de l’interdépendance de la santé humaine, de la santé animale et de l’environnement dans le domaine de la RAM. Les États membres de l’UE se fixent, par exemple, un objectif de réduction de 50 % des ventes totales d’antimicrobiens destinés aux animaux d’élevage et à l’aquaculture, d’ici à 2030, dans le cadre d’une stratégie « De la ferme à la table » et d’un plan « Zéro pollution ».

Toujours à l’horizon 2030, trois objectifs clés en santé humaine ont été définis :

  • réduire de 20 % la consommation totale d’antibiotiques dans l’Union ;
  • faire qu’au moins 65 % de cette consommation concerne les antibiotiques les moins susceptibles d’induire une résistance ;
  • diminuer l’incidence des infections sanguines à Staphylococcus aureus, résistant à la méthicilline (SARM), Escherichia coli, résistant aux céphalosporines de troisième génération, et Klebsiella pneumoniae, résistant aux carbapénèmes.

La recommandation complète les dispositions du projet de révision de la directive européenne sur le médicament à usage humain, récemment présenté. Cette proposition législative préconise d’étendre à ses éventuels effets indésirables (en particulier la RAM) la définition des risques liés à l’utilisation d’un médicament lors de son rejet dans l’environnement. Parmi les mesures réglementaires prévues, on peut citer l’évaluation des risques environnementaux (ERE) et un plan de prise en compte de l’antibiorésistance, à présenter désormais lors d’une demande d’une autorisation de mise sur le marché (AMM). D’autres dispositions concerneraient le conditionnement du médicament, contenant une carte de sensibilisation du patient et correspondant aux posologie et durée habituelles de traitement. Les autorités sanitaires pourraient encore exiger une variation, une suspension, voire une révocation de l’AMM, lorsqu’un risque grave pour l’environnement a été identifié après commercialisation et insuffisamment pris en compte par le titulaire.

Concrètement pour les pharmaciens

La recommandation européenne repose sur une sensibilisation du public et des professionnels, une meilleure surveillance de la RAM et de la consommation d’antimicrobiens, ainsi que sur un renforcement des plans d’action des États membres, afin d’atteindre les objectifs ci-dessus.

En France, la stratégie nationale 2022-2025 du ministère de la Santé et de la Prévention comprend deux axes : la prévention du risque infectieux et le bon usage des antibiotiques. Les pharmaciens y contribuent, notamment :

  • les officinaux, par les conseils (respect de la posologie, durée de traitement, mise en garde contre l’automédication…) qu’ils prodiguent lors de la délivrance des antibiotiques (y compris ceux à usage vétérinaire), la dispensation conditionnelle, la réalisation des tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) et la collecte des médicaments non utilisés ;
  • les pharmaciens de pharmacie à usage interne (PUI), par leur implication au sein des établissements de soins dans la gestion du risque infectieux, la mise en œuvre de la politique d’antibiothérapie et le suivi des données de consommation d’antibiotiques ;
  • les pharmaciens biologistes médicaux, par des techniques toujours plus précises et rapides, permettant d’identifier et de caractériser les germes et ainsi d’orienter les choix thérapeutiques (antibiogrammes ciblé, notamment), et par la remontée des données épidémiologiques sur la résistance bactérienne.

L’Ordre des pharmaciens est pleinement engagé dans cette démarche, en participant, par exemple, au comité de suivi de la stratégie nationale 2022-2025 de prévention des infections et des antibiorésistances, au déploiement sur le terrain des TROD angines dans le cadre d’un groupe de travail coordonné par la Direction générale de la santé (DGS), et à un groupe de travail de l’OMS sur la disponibilité des antibiotiques en santé animale et humaine.

Pour aller plus loin :