Un plan mondial coordonné par l’OMS

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) est engagée depuis de nombreuses années dans la lutte contre l’antibiorésistance. Prenant acte de l’interdépendance de la santé humaine et animale, et de la dimension environnementale, elle a été la première institution à introduire le concept « Une seule et même santé » (One World, One Health), s’associant rapidement avec l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE). Face à la progression continue des résistances, observée depuis le début des années 2000, l’Assemblée mondiale de la Santé a adopté un plan d’action mondial (23) en 2015, avec cinq objectifs :

  • mieux faire connaître et comprendre le problème de la résistance aux antimicrobiens ;
  • renforcer la surveillance et la recherche ;
  • réduire l’incidence des infections par des mesures efficaces d’assainissement, d’hygiène et de prévention des infections ;
  • optimiser l’usage des médicaments en santé humaine et animale ;
  • consentir des investissements durables, notamment pour la mise au point de nouveaux médicaments, outils diagnostiques, etc.

Deux évolutions significatives ont été apportées à cette stratégie :

  • en 2020, la Semaine mondiale pour un bon usage des antibiotiques, qui se déroule chaque année du 18 au 24 novembre, a pris une dimension plus large en devenant la Semaine mondiale pour un bon usage des antimicrobiens (24). En effet, au-delà des antibiotiques, les traitements de la tuberculose, des infections virales (par le VIH notamment), du paludisme et des infections fongiques rencontrent également une montée préoccupante des résistances ;
  • au début de 2022, le partenariat tripartite (OMS, FAO, OIE) a été élargi au Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), afin de renforcer la dimension écosystémique de la politique « Une seule et même santé » (25)

(23) Plan d’action mondial pour combattre la résistance aux antimicrobiens. OMS, 1er janvier 2016.

(24) Slogan and theme announced for World Antimicrobial Awareness Week (WAAW). WHO 21 June 2020.

(25) Le programme des Nations unies pour l’environnement rejoint l’alliance destinée à mettre en œuvre l’approche « Une seule santé ». Rome, Paris, Genève, Nairobi – 18 mars 2022.

La mobilisation de l’Union européenne (UE)

Pour mener à bien ses actions, l’UE s’appuie entre autres sur trois organes sanitaires : l’Agence européenne des médicaments (EMA) (26), l’Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire (HERA) (27) mise en place en 2022, et le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) (28), qui publie régulièrement un état des lieux de l’antibiorésistance et des mesures prises en Europe (29). On estime que les coûts directs et indirects de l’antibiorésistance dans l’UE s’élèvent à 1,5 milliard d’euros par an.

(26) European Medicines Agency.
(27) Health Emergency preparedness and Response Authority.
(28) European Centre for Disease Prevention and Control.
(29) Antimicrobial Resistance in the EU/EEA-A One Health Response. ECDC briefing note 2022.

-> Le plan d’action « Une seule et même santé » de l’UE contre l’antibiorésistance (30)

À l’instar de l’OMS, la Commission européenne (CE) a adopté, en juin 2017, un plan dont les trois ambitions clés sont :

  • faire de l’UE une région exemplaire ;
  • stimuler la recherche, le développement et l’innovation ;
  • influencer l’action mondiale de lutte contre l’antibiorésistance et les risques connexes, dans un monde de plus en plus interconnecté.

Ce plan impose à chaque État membre d’avoir son propre programme d’action national.

(30) Plan d’action européen « Une seule et même santé » contre la résistance antimicrobienne (European One Health Action Plan against Antimicrobial Resistance).

-> Le projet inter-États membres EU-JAMRAI (31)

Lancé à l’automne 2017, ce projet, coordonné par Marie-Cécile Ploy, cheffe du service de bactériologie-virologie, hygiène du CHU de Limoges (lire témoignage), a regroupé 44 structures implantées dans les différents États membres. Il s’est intéressé à la résistance microbienne, à la fois chez l’homme et l’animal, pour faire des propositions d’actions concrètes. Au printemps 2021, les participants ont recommandé de considérer que les changements de comportement sont l’enjeu principal de la lutte contre la résistance aux antibiotiques, et de s’efforcer d’impliquer tous les secteurs de la société pour s’assurer qu’ils se sentent partie prenante de la solution. Ces recommandations ont nourri la réflexion de la Commission européenne pour l’élaboration de son deuxième programme pour la Santé (voir ci-dessous) (32). Un EU-JAMRAI II est envisagé.

(31) Action conjointe Résistance antimicrobienne et infections associées aux soins (Joint Action Antimicrobial Resistance and Healthcare-Associated Infections).
(32) Rapport Layman. European Joint Action Antimicrobial Resistance and Healthcare-Associated Infections.

-> Le programme de financement « L’UE pour la santé »

Au cours de la pandémie de Covid-19, l’UE a mis en place un programme de financement de la résilience de ses systèmes de santé, sur la période 2021-2027 (33). Pour l’année 2022, une subvention de 50,3 millions d’euros a été allouée à des projets sur l’antibiorésistance et les infections associées aux soins (deuxième plus important financement après celui du cancer), y compris le développement de programmes et outils de formation sur la thématique de la lutte contre l’antibiorésistance.

Le Groupement pharmaceutique de l’Union européenne (GPUE) – qui représente la pharmacie d’officine à l’échelle européenne et regroupe les associations nationales de pharmaciens, Ordres et syndicats de 32 États – relève de nombreuses actions officinales contribuant à la lutte contre l’antibiorésistance (conseil, éducation sanitaire, orientation des patients, collecte des médicaments non utilisés (MNU), prise en charge des maux bénins à l’officine…). Il recommande notamment de s’appuyer sur les pharmaciens dans les plans d’action élaborés au niveau national (34).

(33) « Construire l’Union européenne de la santé pour mieux surmonter les crises transfrontières : retour sur les annonces de la Commission européenne » – Communications – Ordre national des pharmaciens - 27 novembre 2020. (34) The Community Pharmacy Contribution to Tackling Antimicrobial Resistance (AMR). GPUE/PGUE – 2019.

L’engagement de la Fédération internationale pharmaceutique (FIP)

La FIP rassemble 146 organisations nationales, dont l’Ordre national des pharmaciens français. 
Elle représente plus de 4 millions de professionnels de la pharmacie dans le monde. Associée par l’OMS 
à l’élaboration de son plan d’action, la FIP a publié un document* dans lequel elle montre notamment que l’officine est un lieu particulièrement accessible au grand public pour les actions d’éducation sanitaire, voire pour l’élargissement de la couverture vaccinale. Au Portugal, un atelier intitulé « Protégez-vous de la grippe A (H1N1) » a été organisé pour les enfants. Dans les hôpitaux, les pharmaciens sont à même de participer aux programmes de bon usage et d’apporter leur expertise en matière de stérilisation et d’hygiène, ainsi qu’en qualité de responsables de l’usage approprié des antibiotiques dans leur établissement, comme cela se fait au Royaume-Uni.
* Fighting antimicrobial resistance : the contribution of pharmacists. FIP – 2015.

Déclaration sur la résistance aux antimicrobiens – Présidence du Conseil de l’UE

Dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne (UE), une conférence ministérielle a réuni, le 7 mars 2022 à Paris, les directeurs généraux de la santé et les chefs des services vétérinaires des 27 États membres, les responsables des plans d’action nationaux, ainsi que des représentants d’organisations internationales et d’institutions de l’UE. À l’issue de la réunion, le trio formé par la France, la République tchèque et la Suède, qui se succéderont à la présidence du Conseil de l’UE de janvier 2022 à juin 2023, a souligné la priorité donnée par le Conseil à la lutte contre la résistance aux antimicrobiens. Parmi ses ambitions figurent la formation à la résistance aux antimicrobiens et à l’approche « Une seule et même santé », l’introduction de normes, recommandations et indicateurs européens pour le bon usage des antimicrobiens ou encore la mise en œuvre de systèmes de suivi et de surveillance de l’utilisation des antimicrobiens 
et de la résistance antimicrobienne*.
* Déclaration sur la lutte contre la résistance aux antimicrobiens – Paris, 7 mars 2022.

Lutte contre l’indisponibilité de certains antibiotiques

Les ruptures d’approvisionnement de certains antibiotiques ou leur indisponibilité, par exemple lorsque leur brevet est tombé dans le domaine public, ont de graves conséquences : quand un antibiotique essentiel n’est plus disponible, il faut souvent utiliser des antibiotiques de deuxième intention, qui peuvent être à risque plus élevé d’antibiorésistance. À la demande du gouvernement français, et en collaboration avec l’OMS, la Commission européenne a accepté de financer un projet, d’une durée de trois ans, qui a démarré en novembre 2020. 
Il vise à proposer des solutions concrètes pour lutter contre l’indisponibilité de certains antibiotiques sur le territoire, en médecine humaine et vétérinaire, et à éviter les pollutions environnementales lors de leur production*. 
Les résultats de ce projet ambitieux seront partagés avec l’ensemble des États membres de l’Union européenne.

* Garantir la disponibilité des antibiotiques en médecine humaine et vétérinaire tout en préservant l’environnement. Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation – 1er décembre 2020.