Travaux préparatoires et consultation citoyenne

Le Gouvernement a lancé, en 2018, une vaste concertation nationale sur le thème « Grand âge et autonomie », comprenant notamment une consultation citoyenne en ligne (qui a rassemblé plus de 400 000 participants) et des entretiens menés auprès de personnes âgées, d’aidants et de professionnels. La synthèse (22), réalisée par le professeur Dominique Libault, comporte 175 propositions concrètes, qui s’articulent autour de six nécessités :
. assurer auprès des personnes fragilisées par le grand âge la présence suffisante de professionnels qualifiés, fiers de leurs métiers, dans une relation d’accompagnement non seulement technique, mais aussi humaine ;

  • simplifier le système d’accompagnement et de soin de la personne âgée, en mettant un terme aux interventions en silos (renforcer la coordination des acteurs sociaux, sanitaires et médicosociaux) ;
  • engager un changement profond du modèle d’accompagnement, en concrétisant le principe selon lequel la personne âgée doit se sentir « chez elle », quel que soit son lieu de vie. Cela implique, par exemple, de repenser l’EHPAD et de renforcer la qualité de service et la diffusion des bonnes pratiques à domicile et en établissement ;
  • réduire significativement le coût du séjour en établissement pour les personnes les plus modestes ;
  • investir dans la prévention de la perte d’autonomie ;
  • adapter le cadre de vie de la personne âgée à ses fragilités, et soutenir les solidarités de proximité.

D’autres propositions ont ensuite été émises dans des rapports complémentaires :

  • adapter les logements, les villes, les mobilités et les territoires à la transition démographique (23) ;
  • renforcer l’attractivité des métiers du grand âge (24) ;
  • adapter la prise en charge des patients dans les USLD (25) et les EHPAD (26).

(22) Ministère des Solidarités et de la Santé. Concertation grand âge et autonomie. Paris, mars 2019. 
(23) Rapport interministériel. Nous vieillirons ensemble… 80 propositions pour un nouveau pacte entre générations. Paris, mai 2021.
(24) Ministère des Solidarités et de la Santé. Plan de mobilisation nationale en faveur de l’attractivité des métiers du grand âge 2020-2024. Paris, octobre 2019.
(25) Unités de soins de longue durée.
(26) Ministère des Solidarités et de la Santé. Unités de soins de longue durée et EHPAD. Rapport des professeurs C. Jeandel et O. Guérin. Paris, juin 2021.

Feuille de route et actions

En janvier 2020, le ministère chargé de la Santé a présenté la stratégie globale « Vieillir en bonne santé 2020-2022 » pour prévenir la perte d’autonomie. Six mesures phares ont été annoncées, parmi lesquelles le lancement d’une application en santé pour renforcer la prévention dès l’âge de 40 ans (prévu pour le printemps 2023), la montée en puissance d’un rendez-vous de prévention au moment du départ à la retraite et la mise en place d’une expérimentation dans plusieurs régions d’un programme de dépistage de la fragilité des personnes âgées selon la démarche ICOPE (lire le témoignage de Cécile McCambridge).

->  « Santé 40 et + »

En phase avec les orientations définies dans le cadre de cette stratégie, Santé publique France a développé le programme « Santé 40 et + ». Il vise à apporter les connaissances pour agir dès la mi-vie sur les différents facteurs favorisant sur le long terme le vieillissement en bonne santé.

-> Cinquième branche

Régulièrement mise en exergue dans ces propositions, la création de la branche dédiée à l’autonomie de la Sécurité sociale, appelée encore « cinquième branche », a été effective en 2021. Gérée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA - lire le témoignage de Jean-René Lecerf), elle intègre l’ensemble des actions en faveur du grand âge.

-> Feuille de route 2025

En mars 2022, le Gouvernement a formalisé sa feuille de route jusqu’en 2025 (27) autour de deux volets principaux :

  • le soutien à domicile, avec un investissement d’un milliard d’euros par an d’ici à 2025. Cet effort comprend l’élargissement des services à domicile, l’amélioration de leur qualité, un parcours simplifié, la revalorisation de la rémunération des professionnels de l’aide à domicile, le renforcement de l’attractivité de ces carrières. Le déploiement d’un plan antichute dans toutes les régions est également prévu (lire l’encadré) ;
  • la transformation des EHPAD pour qu’ils soient plus humanisés, mieux médicalisés et plus attractifs pour les professionnels. À la suite de l’affaire Orpéa sont également prévus un plan de contrôle des 7 500 établissements EHPAD, leur engagement dans une démarche qualité et un « choc de transparence » envers les résidents et les familles, avec publication chaque année de dix indicateurs clés pour tous les établissements. Depuis, l’État a contrôlé 400 EHPAD et lancé le recrutement de 120 renforts supplémentaires dans les agences régionales de santé (ARS). En deux ans, l’ensemble des EHPAD du pays devraient être contrôlés alors qu’ils l’étaient en moyenne tous les 20 ans (28).

(27) Ministère chargé de l’Autonomie. Grand âge : le Gouvernement engagé en faveur du bien vieillir à domicile et en établissement. Paris, mars 2022.
(28) Ministère des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées. Contrôles, transparence, lutte contre les maltraitances – L’État renforce ses actions dans les EHPAD. Paris, janvier 2023.

-> « Bien vieillir »

« Bien vieillir » fait partie des sept thèmes retenus par le Conseil national de la refondation (CNR). Au mois d’octobre 2022, Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées, a lancé les travaux du CNR « Bien vieillir » sur trois chantiers prioritaires (29) :

  • adapter la société au vieillissement ;
  • promouvoir le lien social et la citoyenneté ;
  • revaloriser les métiers.

De novembre à mars 2023, des ateliers citoyens ont été organisés autour de ces trois chantiers, dont un consacré à la lutte contre la maltraitance et les violences. À l’issue des conclusions du CNR, un plan d’action apportant des solutions concrètes, adaptées et opérationnelles, est attendu pour le mois de mai 2023. En parallèle des travaux du CNR, des députés de la majorité ont déposé, le 15 décembre 2022, une proposition de loi visant à « bâtir la société du bien vieillir en France ». Cette proposition a vocation à être enrichie dans les prochains mois, notamment en fonction des conclusions du CNR.

Des états généraux des maltraitances envers les adultes vulnérables, en particulier les personnes âgées, se dérouleront de mars à juillet 2023. Leur objectif est de contribuer à l’élaboration de la stratégie nationale de lutte contre les maltraitances, qui sera dévoilée à l’automne 2023.

(29) Lancement du Conseil national de la refondation « Bien vieillir » : intervention de Jean-Christophe Combe. Paris, octobre 2022.

-> Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023

Enfin, parmi les dernières évolutions, la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2023 prévoit la mise en place de « rendez-vous de prévention » pour les adultes à certains âges clés de la vie. Ils seront l’occasion de détecter les premières fragilités liées à l’âge en vue de prévenir la perte d’autonomie, de promouvoir l’activité physique et une alimentation favorable à la santé. Les modalités pratiques de leur mise en œuvre restent à définir.

Repenser la fin de vie

Alors que la société est amenée à envisager différemment la prise en charge du grand âge, la question de la fin de vie suscite de nombreuses réflexions. Partant notamment du constat que 85 % des Français souhaitent vivre leurs derniers instants à domicile, alors que plus de la moitié décèdent en établissement de santé, un plan national d’action a été formalisé par le Gouvernement fin 2015 pour développer les soins palliatifs et l’accompagnement de la fin de vie autour de deux priorités :

  • replacer le patient au centre des décisions qui le concernent ;
  • développer l’organisation des soins palliatifs à domicile, y compris pour les résidents en établissements sociaux et médicosociaux.

La loi dite « Claeys-Léonetti » de 2016, qui a donné un cadre réglementaire à ces actions, prévoit que la formation initiale et continue des pharmaciens doit comporter un enseignement sur ce type de soins. Par ailleurs, cette loi a ouvert la possibilité d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès aux personnes atteintes d’une affection grave et incurable, dont le pronostic vital est engagé à court terme et subissant une souffrance réfractaire aux traitements.

Depuis novembre 2018, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a pris l’initiative d’organiser 140 réunions d’information et de dialogue sur la fin de vie dans toute la France, afin d’aider à se forger une opinion sur les situations de fin de vie et dans la perspective d’une réforme législative. Le CCNE a également rendu un avis favorable à la dépénalisation de l’aide active à mourir, strictement encadrée (30). Prenant en compte ces évolutions récentes, le Gouvernement a mis en place, en décembre 2022, une convention citoyenne sur la fin de vie, réunissant 150 personnes représentatives de la société française. Elle a rendu ses conclusions début avril 2023, afin d’éclairer à la fois les pouvoirs publics et l’ensemble de la société.

(30) Avis 139 - Questions éthiques relatives aux situations de fin de vie - Autonomie et solidarité. CCNE, 2022.

Un plan national antichute des personnes âgées

Avec plus de 130 000 hospitalisations et 10 000 décès chaque année, les chutes des personnes âgées sont un fléau pour notre société, tant en matière d’impacts humains qu’économiques. En février 2022, 
le ministère chargé de l’Autonomie a lancé un plan national antichute avec pour objectif d’informer, de sensibiliser, de former et d’impliquer les acteurs au plus près du terrain. Il ambitionne de réduire 
de 20 %, d’ici à 2024, le nombre de chutes mortelles ou invalidantes des personnes âgées de 65 ans et plus*. Ce plan, fruit d’une collaboration interprofessionnelle, est structuré autour d’un axe transversal (informer et sensibiliser) et de cinq axes thématiques :

  • savoir repérer les risques de chute et alerter ;
  • aménager son logement et sortir en toute sécurité ;
  • des aides techniques à la mobilité faites pour tous ;
  • l’activité physique, meilleure arme antichute ;
  • la téléassistance pour tous.

* Ministère chargé de l’Autonomie. Plan antichute des personnes âgées. Paris, février 2022.

Regard d'expert

Jean-René Lecerf,
Président du Conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie

Jean-René Lecerf,

« Il ne peut y avoir de citoyenneté avec des points de suspension ! »

Je reprends volontiers à mon compte cette citation de Gérard Larcher, car elle résume tout le chemin qu’il nous reste à parcourir pour changer notre regard sur le grand âge. 
Lors des dernières campagnes électorales, les sondages ont montré que le grand âge et la dépendance faisaient partie des préoccupations principales d’une majorité de Français. 
Et, paradoxalement, je suis frappé de constater que le sujet soit encore aussi peu présent dans les discours politiques, médias et réseaux sociaux. Nous n’avons donc qu’une reconnaissance très partielle de la citoyenneté des personnes âgées : elles n’ont pas seulement besoin d’aides, mais de la liberté d’aller et venir, de voter, d’avoir un animal, une vie sexuelle… Nous devons améliorer les conditions d’hébergement pour que les « résidents » des établissements soient plutôt considérés comme des « habitants ». Malgré la dépendance, ils doivent disposer d’une latitude d’autodétermination, d’une ouverture sur la vie des quartiers, de liens intergénérationnels.

« Virage domiciliaire » et autres voies de progrès

Le juge de paix de l’efficacité d’une politique en faveur du grand âge, c’est l’espérance de vie, si possible sans incapacité. Les personnes qui vivent ces années supplémentaires en bonne santé et qui continuent à jouer un rôle actif et à faire partie intégrante de leur famille et de leur communauté renforcent la société. 
Sur certains axes, on voit des évolutions notables, par exemple avec les actions de prévention (lutte contre la sédentarité, les chutes, la dénutrition…), pour lesquelles la France a longtemps été en retard. Mais les efforts de maintien à domicile restent ultra-prioritaires, ne serait-ce que pour assurer la sécurité des personnes âgées : 10 000 Français de 65 ans et plus meurent chaque année des suites d’une chute ! 
Il faut revaloriser le travail des aides à domicile : sur un plan salarial, bien sûr, mais aussi en redonnant du sens à leur métier, en leur permettant d’évoluer, notamment en passant des concours. 
Il faut que ces professionnels puissent contribuer à rompre l’isolement des personnes âgées : à titre d’exemple, il a été inscrit dans le PLFSS, pour 2023*, deux heures d’aide à domicile par semaine, 
pour la vie sociale et la convivialité. Enfin, je pense qu’il est nécessaire de créer des établissements « intermédiaires » tels que des logements partagés, en lien avec un EHPAD ressource. 

Force et cohérence des actions en faveur des plus vulnérables

C’est l’objectif fixé à cette cinquième branche de la Sécurité sociale, lors de sa création en 2021, 
et dont la gestion a été confiée à la CNSA. Ce profond changement d’organisation s’inscrit néanmoins dans la continuité des actions entreprises par la CNSA depuis 2005. Pour cela, elle s’appuie sur ses équipes opérationnelles et un Conseil qui regroupe des représentants d’associations, des syndicats, des conseils départementaux, des institutions, ainsi que des personnes qualifiées. Le Conseil est un peu la « conscience » des pouvoirs publics, auxquels il rend des avis en totale indépendance. C’est ainsi que nous appelons de nos vœux la construction d’une loi définissant les orientations nationales et une trajectoire budgétaire pluriannuelle, au regard des défis qui se profilent à l’horizon 2030.

Les besoins sont énormes en ce qui concerne le grand âge. C’est un véritable plan Marshall qu’il faut lancer pour y faire face. On estime, par exemple, que plus de 300 000 personnes devraient être recrutées d’ici 2030 pour accompagner le vieillissement de la population.

Les pharmaciens, acteurs de la citoyenneté en faveur du grand âge

Pour relever ces défis, toutes les bonnes volontés
sont nécessaires ! Mais, je crois que les pharmaciens ont un rôle particulier pour :

  • la relation de confiance qu’ils ont avec les personnes âgées ;
  • leur capacité à sécuriser le parcours de soins 
    et de traitement, aussi bien en ville qu’en établissement de santé ;
  • le relais d’information qu’ils représentent, non seulement auprès des personnes âgées, mais aussi des 8 à 11 millions d’aidants que compte notre pays.

C’est l’essence même du partenariat mis en place avec l’Ordre national des pharmaciens, pour la diffusion des documents de la CNSA, via le Cespharm, et pour mieux faire connaître les informations disponibles sur www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr Professionnels de santé de premier recours, les pharmaciens sont aussi des acteurs de la citoyenneté en faveur du grand âge !

* Projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Annexe 7. 6 octobre 2022.