Dans les pays qui ont limité l’utilisation d’antibiotiques en médecine humaine et dans l’élevage animal, l’antibiorésistance recule. La France, 5e consommateur européen, doit poursuivre ses efforts. Pour réduire les utilisations inutiles et préserver l’efficacité des antimicrobiens, le pharmacien tient un rôle central.

Réduire globalement la consommation d’antibiotiques peut limiter l’antibiorésistance : c’est ce que démontre le quatrième rapport de la Commission européenne publié en janvier 2024, basé sur les données de 2019 à 2021 de l’EMA, de l’ECDC et de l’EFSA.

10 des 20 pays européens qui ont significativement réduit la consommation totale d’antibiotiques des animaux destinés à l’alimentation ont constaté une hausse de la sensibilité de la bactérie intestinale E. coli présente chez ces animaux.

9 des 19 pays européens ayant baissé l’utilisation d’antibiotiques, cette fois chez l’homme, ont constaté une hausse de la sensibilité de E. coli infectant l’homme. Plus précisément, les données de 2019 à 2021 ont par exemple confirmé une association positive entre la résistance de E. coli infectant l’homme et sa consommation de carbapénèmes, de céphalosporines de 3e et 4e générations et de (fluoro)quinolones, et entre la résistance de E. coli chez les animaux et la consommation animale de (fluoro)quinolones, de polymyxines, d’aminopénicillines (amoxicilline…) et de tétracyclines.

Selon les recommandations européennes et françaises, préserver l'efficacité des antibiotiques nécessite de réduire et de cibler leur utilisation.

Le pharmacien d’officine, promoteur du bon usage des antibiotiques

Pour le prescripteur, limiter l’utilisation des antibiotiques consiste à respecter les situations pour lesquelles il n’est pas recommandé de les prescrire, notamment en cas d’infections virales. Il s’agit aussi d’utiliser l’antibiotique le plus adapté en privilégiant ceux à spectre étroit, en suivant les posologies et les durées de traitement appropriées. Le rôle du pharmacien d’officine est ici central.

Plusieurs messages clés sont à rappeler aux patients :

  • Souligner l’intérêt de respecter la dose et la durée de l’antibiothérapie.
  • Expliquer les raisons d’une non-prescription et valoriser les mesures pouvant soulager des symptômes.
  • Rappeler la nécessité de ne pas pratiquer d’automédication avec les antibiotiques.
  • Demander aux patients de rapporter leurs antibiotiques lorsqu’ils n’ont pas fini la boîte.

A l’officine, les pharmaciens sont également impliqués dans la lutte contre l’antibiorésistance par la réalisation de tests rapides d’orientation diagnostique notamment les tests rapides oropharyngés d’orientation diagnostique des angines à streptocoques du groupe A ainsi que de tests urinaires de recherche a minima de nitriturie et de leucocyturie, afin de conditionner la dispensation d’antibiotiques sur prescription médicale à l’obtention d’un test positif.

Pour prévenir les infections et limiter leur transmission, il doit être indiqué aux patients l’importance de l’application des gestes barrière et de la vaccination.

La collecte des antibiotiques non utilisés

A la fin du traitement, pour éviter les mésusages mais aussi pour protéger l’environnement, les antibiotiques non utilisés sont collectés. En effet, s’ils sont jetés avec les déchets ménagers, ceux-ci pénètrent dans les eaux de surface, entrent en contact avec des bactéries et favorisent leur résistance.

Les officines ont l’obligation de collecter gratuitement les médicaments non utilisés (MNU) rapportés par les patients (article L4211-2 du CSP).

En pratique à l’officine

L’officine comporte un emplacement individualisé destiné au stockage de ces MNU (article R5125-9 du CSP). Les réceptacles de collecte sont remis gratuitement aux officines par Cyclamed via les grossistes-répartiteurs. Ces derniers procèdent à leur enlèvement et les transportent jusqu’au site provisoire de stockage dans leurs locaux. Des prestataires se chargent du transport des conteneurs entre les établissements de répartition et les unités d'incinération.

Les MNU ainsi collectés sont détruits dans des conditions sécurisées par incinération et font l'objet d'une valorisation énergétique dans le respect de la réglementation en vigueur. Cyclamed est l’éco-organisme en charge de ce dispositif été agréé par l’Etat depuis 2010.

Biologistes médicaux, l’enjeu des antibiogrammes ciblés

L’antibiogramme ciblé consiste à rendre une partie des résultats des antibiotiques testés afin d’épargner les antibiotiques dits “critiques”. La promotion de la réalisation d’antibiogrammes ciblés s'inscrit dans la Stratégie nationale de lutte contre l’antibiorésistance 2022-2025 (action 21.1).
Les retours d’expérience sur le sujet indiquent que l’antibiogramme ciblé constitue un outil pertinent pour réduire la consommation des antibiotiques critiques ou non adaptés tout en favorisant leur juste prescription en accord avec les recommandations professionnelles.

Cette pratique est inscrite depuis octobre 2023 dans les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) concernant les infections urinaires à entérobactéries chez la femme dès 12 ans. Ces recommandations s’adressent aux biologistes médicaux, en particulier les microbiologistes ainsi qu’à tous cliniciens amenés à prendre en charge une infection urinaire féminine à entérobactérie chez l’adulte. Elles précisent que l'antibiogramme ciblé concerne le rendu des antibiotiques et non pas la liste des antibiotiques testés, ce qui signifie que l'antibiogramme complet reste disponible sur demande du prescripteur auprès du laboratoire.

En pharmacie à usage intérieure (PUI)

Depuis plusieurs années, le pharmacien hospitalier dispose d'un accès aux résultats des examens biologiques, dont ceux de microbiologie, et aux données cliniques du patient. Ces éléments sont intégrés dans son analyse de la prescription d'antibiotiques avant leur délivrance. Certaines molécules sont délivrées uniquement si le germe infectieux est identifié et qu'un antibiogramme est disponible. Dans le cadre des traitements probabilistes, le pharmacien intervient lors de la réévaluation des traitements nécessaire après 48 ou 72h et sur leur durée, pour éviter des administrations non justifiées et/ou prolongées.

Le pharmacien est acteur de la stratégie des antibiotiques au travers de sa participation aux travaux de différentes commissions de son établissement. Il suit également les consommations et leurs évolutions pour proposer des plans d'action et des campagnes de sensibilisation dans sa structure.
Les liens étroits avec les équipes médicales et chirurgicales permettent de proposer aux prescripteurs des adaptations dans la prise en charge des infections bactériennes. Le pharmacien peut intervenir lors des réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP) réévaluant les traitements antibiotiques dans les situations complexes (infections sur prothèses, échecs thérapeutiques, germes multirésistants…), mais également dans le cadre des équipes mobiles d'infectiologie qui conseillent et accompagnent les prescripteurs dans leurs choix thérapeutiques

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