En étroite collaboration avec les autres professionnels de santé, les pharmaciens d’officine, de PUI et des laboratoires de biologie médicale (LBM) contribuent à l’optimisation du parcours de soins par des interventions complémentaires et coordonnées.

La conciliation médicamenteuse

Lors de l’hospitalisation d’une personne âgée, le pharmacien hospitalier propose de plus en plus souvent une conciliation médicamenteuse (CM). Elle a pour objectif de sécuriser la prise en charge médicamenteuse du patient lors de son parcours de soins. Il s’agit d’une démarche structurée de prévention et d’interception des erreurs médicamenteuses survenant à tous les points de transition (admission, transfert, sortie). Son efficacité a été prouvée : réduction du nombre d’erreurs médicamenteuses, baisse des taux de réhospitalisation, bénéfices médico-­économiques induits (44)

À l’admission, la CM est réalisée idéalement de manière proactive (avant la rédaction d’une nouvelle prescription), mais si les conditions l’exigent (urgence, accident), elle peut être rétroactive (après la rédaction de la prescription). Pour mémoire, elle comprend quatre étapes, selon la procédure proposée par la HAS (45) :

  • recueil des informations afin d’identifier les médicaments qui sont effectivement pris par le patient ou qu’il devrait prendre ; ceci, en s’appuyant sur la consultation du dossier pharmaceutique (DP) et/ou du dossier médical partagé (DMP), le bilan partagé de médication préalablement réalisé par son pharmacien d’officine, les médicaments et les ordonnances apportés par le patient… ;
  • formalisation par écrit du bilan médicamenteux ;
  • validation de ce bilan par le pharmacien hospitalier ;
  • exploitation et partage de ce bilan avec tous les professionnels de santé impliqués dans la prise en charge du patient (avec révision/optimisation éventuelle des traitements).

À la sortie de l’établissement de santé, une lettre de liaison est adressée aux professionnels de santé de ville, dont le pharmacien d’officine. Elle reprend les informations essentielles du séjour du patient, dont le traitement médicamenteux actualisé. Dans le cadre de l’optimisation du lien ville hôpital, il est en effet indispensable que la démarche soit partagée avec les professionnels de ville impliqués dans la prise en charge du patient.

La Haute Autorité de santé (HAS) met à disposition sur son site Internet des outils pratiques relatifs à la mise en œuvre de chaque étape du processus. Les recommandations émises par la HAS n’ont pas vocation à être opposables et il appartient donc à chaque établissement de se les approprier. Elles concernent les établissements de santé (ES), mais cette démarche de CM peut aussi être réalisée dans les établissements médico­sociaux (EMS).

Un bilan partagé de médication (BPM), s’il a été préalablement établi par un pharmacien d’officine, contribue à la première étape de la CM d’entrée (lire l’article). De même, le pharmacien d’officine a accès au bilan de la CM de sortie, réalisée par le pharmacien hospitalier. Il peut ainsi s’assurer de la bonne compréhension par le patient des éventuelles modifications de traitement intervenues à l’issue de son hospitalisation. Cette complémentarité des actions de pharmacie clinique, menées de part et d’autre, permet la continuité, la cohérence et l’efficience de la prise en charge médicamenteuse du patient dans son parcours de soins, ainsi qu’un gain de temps pour chacun.

(44) Jack BW A et al. Reengineered Hospital Discharge Program to Decrease Rehospitalization : a Randomized Trial. Ann Intern Med. 2009 ; 150(3): 178-87.
(45) Haute Autorité de santé. Mettre en œuvre la conciliation des traitements médicamenteux en établissement de santé. Saint-Denis, février 2018.

Des dispositifs innovants pour faciliter le lien ville hôpital

La loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2018 a introduit, dans son article 51, un financement pour expérimenter de nouvelles organisations de prise en charge des patients (46). Dans ce cadre, plusieurs expérimentations impliquant les pharmaciens sont menées en vue d’optimiser le parcours de soins ville-hôpital-ville des personnes âgées, notamment :

  • Iatroprev : optimisation des prescriptions médicamenteuses dans le parcours de soins de la personne âgée - Lien ville hôpital avec les CHU d’Amiens et de Lille (Hauts-de-France) ;
  • Medisis : parcours de soins – Lien ville hôpital pour la prise en charge médicamenteuse (Grand-Est) ;
  • Octave : organisation coordination traitements personne âgée ville/établissements de santé – réduction des erreurs médicamenteuses (Bretagne, Pays de la Loire).

La complémentarité des actions de pharmacie clinique, menées en ville et à l’hôpital, est au cœur de ces dispositifs. À titre d’exemple, l’expérimentation Octave, lancée à l’initiative des pharmaciens d’officine, a pour objectif de sécuriser le parcours médicamenteux des patients âgés de 65 ans et plus en amont, pendant et en aval d’une hospitalisation programmée. Ce dispositif repose, entre autres, sur :

  • deux bilans médicamenteux réalisés avant et après hospitalisation par le pharmacien d’officine ;
  • une conciliation médicamenteuse d’entrée et de sortie effectuée par l’établissement de santé ;
  • un accompagnement médicamenteux à domicile par un infirmier ;
  • un bilan partagé de médication réalisé trente jours après l’hospitalisation par le pharmacien d’officine.

Déployée sur douze établissements de santé de Bretagne et des Pays de la Loire, cette expérimentation a pour objectif d’inclure 10 000 patients, sur une période de trois ans. Les données des bilans et des conciliations médicamenteuses, en ville comme à l’hôpital, sont échangées via une plateforme sécurisée dénommée HospiVille.

(46) Article 51 de la loi de financement de la Sécurité sociale 2018 - Innovations organisationnelles pour la transformation du système de santé.

Bonnes pratiques de dispensation en EHPAD

Ces dernières années ont été marquées par des changements réglementaires impactant potentiellement les missions du pharmacien, tant au sein des EHPAD qu’en ville. Ainsi, l’arrêté du 6 avril 2011, modifié par l’arrêté du 10 octobre 2022 (47), définit le management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse à mettre en place au sein des établissements de santé, ce qui s’applique donc aux EHPAD dotés d’une PUI ou y étant rattachés. Parmi les critères que prend en compte la HAS dans sa démarche d’accréditation des établissements de santé, la qualité de la dispensation pharmaceutique est cruciale. Pour les EHPAD ne disposant pas de PUI, la loi HPST a introduit la notion de pharmacien référent (48), précisant que celui-ci concourt à la bonne gestion et au bon usage des médicaments destinés aux résidents et qu’il contribue à l’élaboration de la liste des médicaments à utiliser préférentiellement dans chaque classe pharmaco­thérapeutique, au sein de l’établissement. Afin de compléter ces évolutions du contexte réglementaire par un cadre pratique d’exercice, la section H de l’Ordre national des pharmaciens (représentant les pharmaciens des établissements de santé ou médicosociaux et des services d’incendie et de secours) a formé un groupe de travail pour faire des propositions ordinales de bonnes pratiques, qui seront publiées prochainement (lire le témoignage de Sophie Armand-Branger,).

(47) Arrêté du 6 avril 2011 relatif au management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse et aux médicaments dans les établissements de santé.
(48) Article L. 5126-10 du code de la santé publique.

Lutter contre le risque infectieux

Alors que les EHPAD sont confrontés depuis des années à de nombreuses infections nosocomiales (infections urinaires, surinfections de plaies chroniques, de prothèses…), ainsi qu’à des poussées saisonnières, parfois dévastatrices, de grippe et de gastroentérite, la crise de la Covid-19 a agi comme un révélateur de la vulnérabilité des personnes âgées. Comme l’ont montré les résultats d’une enquête récente menée auprès d’infectiologues, d’hygiénistes et de gériatres, d’une part, et de professionnels de santé exerçant en EHPAD d’autre part, les attentes d’accompagnement de ces établissements sont fortes (49). Le déploiement des équipes mobiles d’hygiène (EMH), pilotées par un hygiéniste et composées de professionnels de santé formés à cette démarche de soutien (médecins, pharmaciens, infirmiers), y apportent une réponse concrète. Créées en 2020, les équipes multidisciplinaires en antibiothérapie (EMA) contribuent plus spécifiquement au bon usage des antibiotiques. Comprenant obligatoirement un pharmacien travaillant en synergie avec les EMH, elles sont rattachées à un CPias (50) ou à un Centre régional en antibiothérapie (CRAtb) sous l’égide de l’ARS.

(49) Pasquelin A. Infectiologie et prévention du risque infectieux : les attentes des professionnels en EHPAD. Ehpadia, 29 oct 2022 : 34-6.
(50) Centre d’appui pour la prévention des infections associées aux soins.

Le pharmacien au centre de la prise en charge pluriprofessionnelle du grand âge

La prise en charge thérapeutique des personnes âgées implique un exercice coordonné des professionnels concernés, sans oublier le patient lui-même et ses aidants. Dans ce maillage des soins, les pharmaciens occupent une place particulière, par leur proximité avec les patients ou leurs aidants, mais aussi par des compétences spécifiques : expertise du médicament, des dispositifs médicaux, de la biologie médicale et de la prévention du risque (iatrogénie médicamenteuse et risque infectieux, notamment).

Si l’exercice de la pharmacie clinique a semblé longtemps réservé au secteur hospitalier, les besoins actuels du grand âge nécessitent d’étendre sa pratique au secteur médicosocial et aux patients qui seront de plus en plus nombreux à pouvoir vivre à leur domicile. Le modèle intégratif, préconisé par la SFPC (51), montre l’importance du rôle qu’ont les pharmaciens dans la sécurisation et la pertinence des traitements, notamment au travers de trois temps d’action que sont la dispensation, le bilan partagé de médication et/ou la conciliation médicamenteuse, et le plan pharmaceutique personnalisé (52).

(51) Société française de pharmacie clinique.
(52) Allenet B et al. De la dispensation au plan pharmaceutique personnalisé : vers un modèle intégratif de pharmacie clinique. 
Le Pharmacien hospitalier et clinicien, 2019 ; 54 (1) : 56-63.

PARTAGE GHT 49 : des actions de pharmacie clinique coordonnées à l’échelle du département

À l’initiative des pharmaciens des établissements de santé du groupement hospitalier de territoire du Maine-et-Loire (GHT 49), l’expérimentation Partage GHT 49 a été mise en place grâce à un financement du Fonds d’intervention régional de l’ARS des Pays de la Loire. Lorsqu’une personne âgée, répondant aux critères d’éligibilité du BPM (lire l’article), est hospitalisée dans l’un des établissements du GHT 49, 
le pharmacien hospitalier prend contact avec le pharmacien d’officine pour échanger sur les traitements du patient afin de réaliser une CM d’entrée. À la sortie, il lui transmet, ainsi qu’au médecin traitant, l’ensemble des modifications intervenues sur le traitement et leurs justifications. Cela permet au pharmacien d’officine non seulement de les expliquer au patient, mais aussi de mettre en place un BPM avec des entretiens de suivi. La fluidité et la sécurité des échanges entre les pharmaciens hospitaliers et officinaux sont assurées via la plateforme HospiVille.

Laurence Spiesser-Robelet*, pharmacien maître de conférences des universités-praticien hospitalier (MCU-PH) au CHU d’Angers, et Jean-Louis Laffilhe, pharmacien coordonnateur du dispositif.

En 18 mois, nous avons fait entrer 4 685 personnes âgées dans le dispositif et le rythme d’inclusion tend même à progresser. Près de 90 % des hôpitaux et des officines du département y participent. À titre de résultats cliniques préliminaires, nous constatons que, sur 1 800 hospitalisations avec réalisation d’une CM, le taux de divergences non intentionnelles (DNI**) de 53 % à l’entrée se réduit à 37 % à la sortie.
Pour la mise en route du dispositif, des réunions de formation (formation à la CM, incitation à réaliser les BPM et à utiliser la plateforme) et d’échanges entre les acteurs (pharmaciens hospitaliers et d’officine, par secteurs ou CPTS), ont été organisées par le pharmacien coordonnateur, qui a également assuré un suivi personnalisé 
et un accompagnement permanent des pharmaciens. Lors de cette première phase opérationnelle, les pharmaciens hospitaliers et d’officine du département, mais aussi les étudiants de 5e année (stage hospitalier) et de 6e année (stage officinal) de la faculté d’Angers, se sont fortement impliqués.

Les retours d’expérience positifs, dont une enquête de satisfaction validée par 95 % des pharmaciens d’officine, sont en faveur de développements ultérieurs : extension territoriale et de la plateforme à d’autres professionnels de santé (médecins traitants et infirmiers notamment) et contribution au service Prado***.

* Lauréate du prix de l’Ordre 2022, pour la conception d’un parcours de soins des patients âgés polymédiqués : coordination pharmaceutique 
ville hôpital pour la prise en charge thérapeutique dans le département du Maine-et-Loire.
** Pour la HAS, une divergence est un écart de situation pour un médicament donné entre ce qui figure dans les différentes sources d’information et le bilan médicamenteux, ou encore entre le bilan médicamenteux et la prescription en cours. Elle présente un caractère soit « voulu » par 
le prescripteur (divergence intentionnelle), soit « non voulu » (divergence non intentionnelle). 
*** Programme d’aide au retour à domicile des personnes âgées de plus de 75 ans de l’Assurance maladie.

Définir l’acte de dispensation pour le patient en institution, mais aussi quand il vit à domicile.

Sophie Armand-Branger,
pharmacien au Centre de santé mentale angevin, conseiller ordinal de la section H (représentant les pharmaciens des établissements de santé ou médicosociaux et des services d’incendie et de secours) et responsable du groupe de travail bonnes pratiques de dispensation en EHPAD.

pharmacien

Dans un premier temps, le groupe de travail a estimé qu’il était nécessaire de définir des bonnes pratiques de dispensation en EHPAD dans leur intégralité. En effet, le rôle des pharmaciens ne se limite plus au simple approvisionnement en médicaments et en dispositifs médicaux de ces institutions. Ils y pratiquent désormais divers actes de pharmacie clinique : conciliations médicamenteuses, plans pharmaceutiques personnalisés, contribution à la révision des ordonnances lors de longs séjours, par exemple.
Le contexte actuel favorise le maintien à domicile et nous amène également à prendre en compte
les actions réalisées à la fois par les pharmaciens hospitaliers et d’officine. C’est la raison pour laquelle nous élargissons actuellement le champ de nos travaux, en y intégrant les autres sections de l’Ordre et les avis d’experts de la SFPC* également impliqués dans cette transformation.

* Société française de pharmacie clinique.

Dans la prévention et la prise en charge du risque infectieux chez les personnes âgées, les pharmaciens peuvent assurer un rôle majeur d’accompagnement.

Loïc Simon,
pharmacien biologiste médical au CHU de Nancy, administrateur de la SF2H* et responsable du CPias Grand Est

pharmacien

Les prévisions pour les dix prochaines années ne laissent aucun doute : la progression 
de l’antibiorésistance et du risque infectieux sera un défi majeur pour les établissements de santé, les institutions et les soins à domicile du grand âge. Or, la culture de prévention du risque infectieux est loin d’être suffisamment ancrée 
à ces différents niveaux. Il est donc fortement souhaitable que des pharmaciens s’engagent dans les équipes mobiles en hygiène (EMH) 
et les équipes multidisciplinaires en antibiothérapie (EMA), auxquelles ils peuvent apporter leurs compétences spécifiques.

* Société française d’hygiène hospitalière.